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Polisse: Film coup de poing

Pour nous faire comprendre la vie de cette brigade, la réalisatrice nous présente des cas plus effrayants les uns que les autres. Heureusement, elle sait ici et là saupoudrer ses propos en y mettant un brin d'humour afin de nous laisser respirer avant le prochain coup de poing.
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Notre société est-elle donc devenue si insensible qu'elle jette en pâture ce qu'elle a de plus précieux : nos enfants? C'est un des constats auxquels la réalisatrice française Maïwenn nous confronte avec Polisse, un film au regard cru sur une équipe de policiers qui œuvre au sein de la Brigade de la Protection des Mineurs (BPM) du 19e arrondissement de Paris (sortie au Québec le 29 février 2012).

C'est sans concession que nous sommes confrontés à cette fiction, tournée dans un style purement documentaire. Des policiers, hommes et femmes sont, à longueur d'année, plongés dans ce qu'il y a de plus sordide et de malsain dans notre société. Jour après jour, ils font face à des pédophiles, à des prostitués, des internautes exploitant la pornographique juvénile, à la brutalité, parfois subtile, parfois sauvage, faite sur des mineurs.

Pour nous faire comprendre la vie de cette brigade, la réalisatrice nous présente des cas plus effrayants les uns que les autres. Heureusement, elle sait ici et là saupoudrer ses propos en y mettant un brin d'humour afin de nous laisser respirer avant le prochain coup de poing.

Nous sommes ébahis, hébétés face à tant d'adultes agresseurs, sans aucune base de morale; face à des enfants innocents, victimes de leur naïveté, qui n'ont aucun repaire devant des êtres, souvent proches, parfois leurs propres parents. Ces flics sont le dernier rempart humain contre la sauvagerie presque incontrôlable des adultes. Comment ces agents font-ils pour fonctionner tous les jours, garder le sourire, s'amuser, élever leurs propres enfants, ou vivre une vie de couple?

Justement, la réalisatrice démontre comment ces policiers, à force d'affronter tant de drames, deviennent à leur tour désaxés, incapables d'avoir une vie normale. Comme une équipe soudée, ces policiers ne sont bien qu'entre eux. Ils partagent tellement d'émotions fortes dans leur travail, que cela ne manque pas d'avoir une incidence sur leur vie familiale, jusqu'à perdre le recul nécessaire leur permettant de se distancier et de mieux protéger leur équilibre. Avec tant de colère et de frustration, ils finissent par péter les plombs et s'en prennent les uns aux autres, s'invectivent, se battent, pour prouver, peut-être, qu'ils sont bien vivants.

C'est à la fois un constat terrible sur un métier difficile, mais aussi, par ricochet, une critique sur une société qui vit au bord de la crise de nerfs perpétuelle, d'une France que l'on connaît moins. Nous sommes loin ici des lieux touristiques, de la mode et du bon chic parisien. De fait, nous nous retrouvons plutôt dans les bas fonds, la cour des miracles, pas bien loin du monde de Jean Valjean et des Misérables de Victor Hugo.

Polisse est le troisième film d'une réalisatrice qui, par son style, travaille en marge des sentiers battus du cinéma traditionnel français. Maïwenn a développé une forme d'écriture cinématographique qui lui est propre. Une de ses grandes forces, c'est de faire sortir les comédiens professionnels hors de leur armature d'acteurs pour les rendre humains, plus vrais que nature. Pour cela, elle place souvent ses comédiens face à des non-professionnels, ce qui les force à remettre leur jeu en question.

Trois acteurs en particulier se distinguent dans Polisse. Il y a d'abord Joey Starr. Ce rappeur du groupe NTM - compagnon de la réalisatrice dans la vie -- se révèle d'une humanité, d'une vérité époustouflante et d'une grande crédibilité. Deux comédiennes, Karin Viard et Marina Foïs, qui semblent très soudées à l'intérieur de la brigade, finissent par se fâcher et s'envoyer des insultes d'une crudité telle, que nous sommes mal à l'aise, comme des voyeurs, devant ce drame. L'engueulade entre elles est un numéro si réaliste qu'on ne fait plus la différence entre les actrices et les policières.

Polisse, dans son propos et son style, n'est pas sans nous faire penser à un film de Bertrand Tavernier L-627 mais mieux réussi, et ce n'est pas peu dire! Plus près de nous, au Québec, ce film nous ramène à la dureté de la série policière 19-2 ou au film de Paul Arcand, réalisé en 2005, sur la DPJ, Voleurs d'enfance.

Dans son long métrage précédent, Le Bal des Actrices, Maïwenn avait déjà trouvé son style d'écriture narrative. Avec Polisse, plébiscité par le Prix du jury au festival de Cannes 2011, elle nous confirme qu'elle est une cinéaste accomplie et qu'elle va continuer à nous surprendre avec d'autres grands films.

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