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«Motion PKP»: la genèse d'un lynchage politique...

Comment ne pas être cynique... L'Assemblée nationale de tous les Québécois détournée à des fins bassement partisanes. Trois partis unis par un intérêt commun; le désir d'éliminer un adversaire politique redoutable. Tout le reste n'est que poudre aux yeux.
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Comment ne pas être cynique... L'Assemblée nationale de tous les Québécois détournée à des fins bassement partisanes. Trois partis unis par un intérêt commun; le désir d'éliminer un adversaire politique redoutable. Tout le reste n'est que poudre aux yeux. Ne nous trompons pas, la CAQ, les libéraux et même Québec solidaire ont tous un intérêt commun à se débarrasser de Pierre-Karl Péladeau. Quand le député de St-Jérôme, dument élu, a été forcé de quitter l'Assemblée nationale, ce n'est rien de moins qu'un jour de honte qui restera gravé longtemps dans les annales de notre parlementarisme.

Dans le cas de la CAQ, instigateurs de la motion anti PKP, l'élimination de cet adversaire est vitale. Un récent sondage, commenté par Jean-Marc Léger à RDI 24/60, montrait que pas moins d'un électeur caquiste sur deux était susceptible d'appuyer un PQ dirigé par Pierre-Karl Péladeau.

François Legault savait très bien, dès que la candidature de PKP a été annoncée en mars dernier qu'un jour cela ferait très mal à sa formation politique. Il le savait tant que le chef caquiste a tenté par deux fois, en 2012 et en 2014 de recruter le magnat de la presse pour qu'il brigue les suffrages dans l'équipe caquiste. Legault savait TRÈS BIEN qui il courtisait et étrangement, le contrôle des actions de Québecor n'était pas un frein à son flirt avec PKP.

Ce qui peut paraitre un peu plus surprenant, c'est que l'électorat solidaire qui se prononce sur la potentielle issue de la course à la chefferie du PQ privilégie à plus de 20% ce « méchant capitaliste antisyndical ». Il est premier là aussi, devant les Ouellet, Cloutier ou Lisée; quoique dans le cas de ce dernier, on pourrait croire que c'est à un poste à la chefferie de QS qu'il aspire, mais bon...

Pour le Parti libéral, PKP est menaçant au premier chef, car il pourrait très bien être celui qui ravive les ardeurs indépendantistes à un niveau inespéré avant ce matin frais de mars, poing levé. Couillard a tout intérêt à laisser la CAQ aller au « batte » et tirer profit de cette manœuvre politique qui éliminerait son plus dangereux adversaire. Parions que le neurochirurgien préfère, et de loin, n'importe quel autre candidat potentiel à la chefferie péquiste avant PKP.

En ce sens, je suis tout à fait d'accord avec l'analyse de Bock-Côté :

« La guerre ouverte contre Pierre-Karl Péladeau, pour l'obliger à choisir entre la chefferie du Parti Québécois et ses actions dans Québecor, est de bord en bord politique. Elle se masque évidemment derrière un absolutisme éthique à prétention vertueuse. On connait la chanson. En voulant le forcer à se séparer de Québecor, comme s'il devait s'arracher brutalement à sa vie précédente pour être digne de devenir un politicien véritable, c'est la démocratie qu'on dit vouloir protéger. Quitte à changer le code d'éthique de l'Assemblée nationale pour lui bloquer le passage, ce que propose la CAQ de François Legault. Étrange démocratie où on modifie les lois pour contrer l'ascension d'un individu décrété inquiétant, où les parlementaires modifient au gré des circonstances les règles définissant les conditions de participation à l'Assemblée nationale. C'est ce qu'on pourrait appeler le règlement Péladeau. »

On remarquera aussi l'étendue de la crainte que suscite PKP chez ses adversaires par la caractérisation ample qu'on lui accole. Pour les caquistes et les libéraux, Péladeau est un gauchiste parvenu qui ne cherche qu'à plaire aux SPQ-Libre et autres syndicaleux; pour les Solidaires Péladeau est un sale capitaliste antisyndical auprès duquel on ne daignerait jamais s'assoir...

Protéger le clan Desmarais?

Lorsque l'animatrice Marie-France Bazzo a reçu à son émission le ministre libéral Jean-Fournier le 9 octobre concernant ce qu'il advient maintenant de nommer la «motion PKP», deux questions ont mis à mal le ministre. Premièrement, afin de s'assurer que la motion de la CAQ ne puisse toucher que PKP, il faudra la modifier un peu pour protéger des alliés libéraux qui étaient touchés par sa première mouture. On peut aussi rappeler le cas de l'ex-conjoint de la ministre Lise Thériault. Lui qui dirigeait un journal qui encensait justement... Lise Thériault!

Mais l'éléphant dans la pièce, le dinosaure en fait, c'est le clan Desmarais qui se trouve épargné, protégé même par la « motion PKP ». Fallait entendre Fournier y aller d'explications spécieuses pour tenter de faire croire que cette motion « s'élève au-dessus de la mêlée, qu'elle ne vise personne en particulier, qu'il s'agit de grands principes ».

Ces explications sont tellement hypocrites, ça donne envie d'éclater de rire. D'ailleurs, j'ai fait le tour des articles publiés dans La Presse sur la « motion PKP » et nulle part, à moins d'un oubli, les mots Gesca ou Desmarais ne sont écrits ou même évoqués. C'est d'ailleurs un des arguments de Jean-Marc Fournier, « on ne nomme ni l'un, ni l'autre ». Mais la motion est écrite de façon à n'incriminer que PKP. Pourtant, l'influence des Desmarais, par le biais de leurs journaux est indéniable. Doit-on rappeler qu'aucun des médias, écrits ou télé, sous le parapluie de Québecor n'a pris position lors de la dernière élection au Québec, mais qu'à contrario, tous les quotidiens sous l'égide de Gesca se sont fermement rangés derrière les libéraux.

Aussi, comment absoudre l'empire des Desmarais d'une motion qui traite de l'objectivité des empires médiatique versus le politique quand on se souvient, notamment, des doléances de l'ancien ambassadeur des États-Unis à leur égard? Peut-on imaginer plus grande influence? Rappel :

Le Devoir a révélé que l'ambassadeur des États-Unis au Canada, David Jacobson, estime que «l'influence sur le milieu fédéral et provincial de cette société [Power Corporation] est indéniable». Les commentaires de l'ambassadeur sont contenus dans une note diplomatique interceptée par WikiLeaks et qui était destinée à Washington.

L'ambassadeur Jacobson y fait spécifiquement référence à l'influence de Power Corporation sur les politiques énergétiques des gouvernements. Il s'interroge sur les pressions qu'auraient pu exercer les dirigeants de Power Corporation sur le premier ministre Jean Charest lors de la conférence sur les changements climatiques de Copenhague, en décembre 2009.

Notons en passant que cet article du Devoir a été écrit par Kathleen Lévesque, aujourd'hui à La Presse. Le spécialiste des questions éthiques dans le milieu médiatique Marc-François Bernier me le faisait remarquer, lorsque j'ai partagé l'article sur les médias sociaux de son œil toujours affiné. Un tel article est impensable dans le quotidien de Gesca et témoigne d'une problématique plus large et connue des parlementaires depuis très longtemps, la trop grande concentration des empires médias au Québec ce qui influe assurément sur la liberté de presse. S'attaquer à ça, même par la bande, en ne visant que PKP relèverait du déni. Ou de la partisanerie la plus grossière.

Mais justement, tout de la « motion PKP » relève de la partisanerie la plus grossière justement. J'écrivais il y a quelque temps que l'élite fédéraliste au Québec tenterait d'éliminer Péladeau au moyen du même genre de lynchage médiatique qui a eu raison d'un autre indésirable, l'ex-ministre de l'Environnement péquiste Daniel Breton.

On est en plein dedans.

La différence? Si ce lynchage média ne produit pas la vindicte populaire escomptée, on changera un code d'éthique qui, selon Legault et Fournier est désuet et on modifiera les lois pour bloquer PKP. On est rendu aussi bas que ça. Ce code d'éthique, arraché aux libéraux aussi difficilement que la Commission Charbonneau date-t-il de 1950?

Non. Il a été adopté en 2010 et à l'unanimité de l'Assemblée nationale. Dans les heures qui suivent, on l'amendera en excluant les représentants d'au moins 25% de la population et en excluant un député dument élu.

Comment ne pas être cynique. Et enrager un peu...

En terminant, cette petite perle d'un journaliste-éditorialiste du journal Le Droit, Pierre Allard, remercié cet été à cause d'une critique qu'il a faite de son employeur sur son blogue personnel, qui a repris cette citation de Guy Bedos: «Je croirai à la liberté de presse quand un journaliste pourra écrire ce qu'il pense vraiment de son journal. Dans son journal.»

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