En tentant d'écrire la femme je me suis perdue entre ses lignes, car c'est bien là où elle se trouve.
Pour devenir femme, il faut d'abord comprendre. Il faut savoir que dans ce sexe nous sommes plusieurs. Il faut accepter que nous sommes toutes côte à côte, reconnaître que l'on tienne près l'une de l'autre et admettre qu'on se suive, pas à pas.
Toujours seules, ensemble.
Pour être femme, il faut être plurielle sans l'avoir décidé. Être charnelle, par destinée. Il y a dans ce sexe comme une fatalité, où cohabitent solitude et famille, gouffre de vivre et goût du vide. Il y a dans ce sexe tout un monde. Et pour comprendre ce monde, il faut pouvoir le porter.
Je connais des femmes qui n'ont pas pu. Vous connaissez des femmes qui n'ont pas su. Trop de femmes ne sont pas nées et tant de femmes se sont masculinisées.
Il y a dans ce sexe toutes celles ayant dû ramper, toutes celles qui se sont courbées. Il y a dans ce sexe des têtes baissées, des corps flagellés et, d'encore plus près, il y a dans mon sexe, une grand-mère assassinée.
Un 8 mars, il y a quelques années.
Dans mon sexe elles sont toutes là. À pleurer violemment. À danser tragiquement. Il y en a une qui s'agite et s'arrache les cheveux, poil par poil. Une semblable rêve et retire de ses fleurs les pétales. Près d'elles, une même et autre femme se tient debout et crie Je suis femme!
Il y a dans mon sexe tant de femmes; des blondes, des brunes, des courtes,des rondes. Vous devriez voir la tête que font les hommes lorsque je les sors toutes. Ils me regardent, s'attardent et s'y perdent. Ils ne discernent pas, en moi, la complexité du regard, ne saisissent pas, en ce regard, la tangibilité de l'espoir.
Il y a dans ce sexe une journée pas comme les autres. Le 8 mars.
Le 8 mars pour me rappeler que je suis fière d'être la fille de ma mère, que je suis fière d'être la femme que je suis et qu'il me faudra être fière de la femme que je deviendrai.
Par fierté, j'entends la qualité et la dignité du sexe que l'on m'a donné.