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Zizanie et démotivation, voici la nouvelle approche dans le système de santé

Les quatre dernières années auront permis de réduire les effectifs et les ressources tout en augmentant les exigences envers tous les travailleurs de la santé.
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Les plus nostalgiques se souviennent du temps où leurs médecins les accueillaient en les appelant par leur nom. À l'époque, le médecin s'enquérait même de la santé des proches du patient puisque la plupart du temps, il traitait tous les membres de la famille. « Comment vont votre mère et votre père, transmettez-leur bien mes meilleurs vœux», pouvait-on souvent entendre en quittant le cabinet.

Dans un autre ordre d'idée, l'hôpital était avant tout un lieu de soins et de compassion. On n'avait alors pas besoin d'un dictionnaire pour réaliser à quel point les mots «hôpital» et «hospitalité» étaient proches et reliés à la même racine.

Pourtant, je demeure convaincu que la nature de l'être humain n'a pas changé à ce point en un demi-siècle. Je reste convaincu que les médecins d'aujourd'hui sont toujours aussi dévoués à guérir leurs patients que les infirmières et les infirmiers toujours aussi attentifs à entourer de soins celles et ceux qui se trouvent dans leurs hôpitaux, que les préposés à l'entretien ont à cœur la propreté de leur hôpital et que les gestionnaires travaillent pour améliorer la vie tant des usagers que des travailleurs de l'hôpital.

D'où nous viennent donc ses perceptions que tous ces travailleurs de la santé incluant les médecins, les infirmières et les infirmiers et les gestionnaires ne pensent qu'à augmenter leurs salaires et/ou leurs conditions de travail ?

Un problème qui vient de loin

Admettons que le problème date d'avant l'arrivée de notre ministre actuel. Le ministère de la Santé et des Services sociaux, avec la bénédiction des ministres qui s'y sont succédé, s'est emparé de tous les pouvoirs qui, avant, et dans les premières années de l'assurance-maladie, étaient répartis entre les médecins, les directions hospitalières, les travailleurs de la santé et les patients. Il faut se rappeler qu'alors, les patients pouvaient choisir leur médecin, décider de l'hôpital où ils désiraient être traités et même choisir quel spécialiste ils désiraient consulter... Mais la voracité du super-ministère de la Santé et des Services sociaux eut tôt fait d'avaler un à un tous ces pouvoirs.

Qui aujourd'hui aurait l'audace de demander à choisir son médecin ? Il faut déjà être chanceux ou avoir attendu des dizaines de mois pour n'en avoir qu'un. Quant au médecin, peut-il choisir son patient ? Bien sûr que non ! On lui impose même un nombre de patients qu'il devra traiter, le nombre de minutes qu'il devra accorder à chacun et le lieu où il devra pratiquer. Quant aux infirmières et infirmiers, on leur demande à eux aussi de chronométrer leurs soins et on les oblige à des heures supplémentaires au bon gré de l'institution où ils travaillent.

De plus, avant qu'ils ne puissent espérer avoir accès à des heures régulières de travail qui leur permettrait d'avoir une vie en dehors de leurs activités professionnelles, ils doivent subir pendant de trop nombreuses années des horaires irréguliers et souvent carrément inhumains. D'ailleurs pour bien faire comprendre à tous le sens des interventions en santé, on pensa même instituer la méthode LEAN à la gestion hospitalière. Cette méthode qui fit la fortune du fabricant automobile Toyota aurait dû faire comprendre à tous qu'un hôpital n'était ni plus ni moins qu'une chaine de montage à travers laquelle un patient entre, obtient des soins et sort. Comme déshumanisation d'une profession, on n'aurait pas pu imaginer mieux...

Un problème qui vient d'en haut

Comme plusieurs, j'ai vu arriver le ministre Barrette avec beaucoup d'espoir. Il allait couper dans les structures administratives, donner un médecin de famille à chacun et diminuer de beaucoup les temps d'attentes aux urgences des hôpitaux. Il coupa en fait dans les structures administratives, mais en profita, du même coup, pour rapatrier tous les pouvoirs à son cabinet. Désormais, il allait nommer tous les dirigeants des CISSS et CIUSSS, qui, eux, allaient nommer les directions hospitalières qui elles, nommeraient les différents directeurs de service à l'intérieur de leur institution. Dans cette pyramide, le grand chef a la main mise sur tout. Il peut, par exemple, nommer un seul sous-chef pour deux méga-hôpitaux (CHU Ste-Justine et CHUM) sans que personne n'ait ne serait-ce que l'illusion d'oser pouvoir contester. Il peut dicter quels seront les salaires et les conditions de travail de chacun de ses employés. C'est tellement vrai, qu'il aura fallu l'intervention du premier ministre lui-même pour que les négociations puissent espérer aboutir entre le ministère et les deux grands syndicats de médecins.

En résumé, les quatre dernières années auront permis de réduire les effectifs et les ressources tout en augmentant les exigences envers tous les travailleurs de la santé. Cette façon d'agir a amené deux conséquences tout aussi tragiques qu'insupportables : la zizanie et la démotivation. La zizanie est omniprésente : la population critique les médecins pour leurs indemnités salariales de toutes sortes allant jusqu'aux primes à la jaquette, les médecins critiquent le ministère pour sa main mise sur tous les secteurs professionnels liés à leur profession, les infirmières et les infirmiers critiquent les administrations hospitalières qui refusent de piger dans les finances pour augmenter les ressources humaines disponibles. D'un univers dans lequel on s'attendrait à de l'entraide et à de la collaboration, le ministre a créé un monde où règne une zizanie institutionnalisée. La résultante en est une démotivation qui gagne de plus en plus de terrain.

La conséquence à moyen et plus long terme sera une diminution des services aux patients et un immobilisme généralisé qui empêchera toute vraie réforme.

La conséquence à moyen et plus long terme sera une diminution des services aux patients et un immobilisme généralisé qui empêchera toute vraie réforme. Car, il faut bien l'avouer, ce que notre ministre de la Santé et des Services sociaux a vraiment réalisé ce n'est pas une révolution ni encore moins une évolution dans notre système de santé. Il a tout bêtement accentué la continuation de la centralisation à outrance de notre système de santé qui dorénavant n'aura même plus besoin des compétences de ses professionnels soignants ni même celles de ses gestionnaires pour faire fonctionner le système. Tout ce beau monde n'aura qu'à écouter et qu'à suivre les dictats venus directement du bureau du ministre.

Et le patient là-dedans ?

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