Cette semaine, l'Organisation mondiale de la santé, révisant à la hausse ses estimations, a déclaré qu'il pourrait y avoir d'ici deux mois jusqu'à 10 000 nouveaux cas d'Ebola par semaine. Le Conseil de sécurité des Nations Unies estime que l'épidémie d'Ebola « menace la paix et la sécurité internationales ».
L'Ebola ne connaît pas de frontières. C'est une crise sanitaire mondiale. Outre l'impératif humanitaire de sauver des vies en Afrique de l'Ouest, la propagation de l'Ebola outremer augmente la menace pour les Canadiens.
La situation en Afrique de l'Ouest est à vous arracher le cœur. Il y a eu là-bas 9000 cas d'Ebola et plus de 4 500 morts. Les risques pour le personnel sanitaire sont terribles, le nombre de morts dévastateur. Et les coûts pour faire face à la crise ne feront qu'augmenter si nous n'agissons pas de manière décisive maintenant.
Et il y a aussi les coûts économiques. Rappelons que l'épidémie de SRAS a coûté aux compagnies aériennes asiatiques 6 milliards de dollars en 2003. Une étude récente de la Banque mondiale révèle que, dans le pire des cas, l'épidémie d'Ebola pourrait, d'ici 2015, drainer jusqu'à 32,6 milliards de dollars de l'Afrique de l'Ouest. Le ministre des Finances de la Sierre Leone Kaifala Marah a qualifié récemment la crise de l'Ebola d'«embargo économique ».
Il est facile de voir comment l'épidémie d'Ebola pourrait conduire à un désastre économique. Les pays de l'Afrique de l'Ouest se remettent de décennies de conflits, mais leur infrastructure, y compris sanitaire, reste extrêmement vulnérable à la crise et menace déjà de s'effondrer. Au Liberia et en Sierra Leone, l'exploitation minière, la navigation maritime, l'exploitation forestière et l'agriculture souffrent de la crise et on s'inquiète de l'impact de l'épidémie sur l'approvisionnement alimentaire mondial.
Conscients de l'urgence, les néo-démocrates ont inscrit la crise de l'Ebola à l'ordre du jour du Parlement. En septembre, la Chambre des communes a tenu, à ma demande, un débat d'urgence sur la crise de l'Ebola.
Malheureusement, la réponse du gouvernement canadien est trop lente, et éparpillée. Une fraction seulement des dons d'équipement de protection se sont rendus en Afrique alors que les travailleurs de la santé risquent de manquer de masques et de gants. Et nous avons appris lundi que le gouvernement canadien a continué de vendre aux enchères des masques et tenues de protection au public, même après que l'OMS ait demandé de l'aide - clairement une mauvaise gestion de la crise par le Canada.
Le fameux vaccin contre l'Ebola a aussi mis trop de temps à atteindre l'étape des essais cliniques et il s'écoulera des mois avant qu'il puisse être administré dans les zones sinistrées. Et de l'engagement initial du Canada de 30 millions $ en aide humanitaire en Afrique de l'Ouest, seulement 5 millions de dollars ont déjà été fournis. Plus nous attendons, plus nous paierons cher en dollars et en vies. Pourquoi ce retard?
Alors que doit faire le Canada? Il lui faut dépêcher sur place des équipes d'intervention en cas de catastrophe formées aux risques biologiques et aux soins médicaux et pouvant compter pleinement sur le soutien logistique des Forces canadiennes. Plusieurs organisations humanitaires actives en Afrique de l'Ouest en ont fait la demande - demande rare et urgente qui montre la gravité de la crise. Des organisations comme Médecins Sans Frontières, qui ont fourni le gros des efforts de traitement de l'Ebola en Afrique de l'Ouest, ne suffisent plus à la tâche. Le Canada doit envoyer là-bas du personnel médical et du soutien logistique. Le gouvernement américain a envoyé en Afrique de l'Ouest des centaines de professionnels de la santé et de militaires. Jamais les États-Unis n'ont répondu avec autant de moyens à une crise de santé publique internationale.
Le Canada doit aussi augmenter tout de suite son soutien financier à l'Organisation mondiale de la santé et aux autres partenaires internationaux qui luttent contre l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest. Au Canada même, plusieurs agences humanitaires, y compris celles de la Coalition humanitaire, demandent aux Canadiens de répondre à leurs appels de fonds.
Enfin, il faut aussi regarder la situation de manière plus générale. Les pays de l'Afrique de l'Ouest sont particulièrement vulnérables à cause de problèmes systémiques. Le Canada peut aider à remédier à ce qui a rendu la flambée si difficile à contenir, à savoir la faiblesse des infrastructures sanitaires et des systèmes de gouvernance dans les pays en développement. À long terme, c'est sur la gouvernance et le renforcement des institutions qu'il faut mettre l'accent pour aider les pays vulnérables à augmenter leur résilience à ce genre de crises.
Quant à notre dispositif national d'intervention en cas d'urgence, il doit se mettre sur un pied d'alerte vu l'apparition de cas d'Ebola en Amérique du Nord. Cette semaine, la porte-parole du NPD pour la Santé, Libby Davies, a posé par lettre à la ministre Rona Ambrose des questions détaillées sur l'état de préparation du Canada dans l'éventualité où un cas d'Ebola ferait surface chez nous.
Il s'agit de l'urgence sanitaire la plus grave de notre époque. Il faut agir de toute urgence.
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