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Nigeria: procès pour meurtre d'une adolescente mariée de force

Nigeria: procès pour meurtre d'une adolescente mariée de force

Un tribunal du Nigeria a reporté lundi le procès d'une adolescente de 14 ans accusée d'avoir empoisonné avec de la mort-aux-rats l'homme de 35 ans qu'elle avait été contrainte d'épouser.

Cette affaire illustre l'influence croissante de la loi islamique dans le nord du pays, région frappée quasi-quotidiennement par les attaques sanglantes du groupe islamiste Boko Haram.

La jeune fille, Wasila Tasi'u, qui devait comparaître devant le tribunal de Gezawa, dans l'Etat de Kano (nord), est également accusée du meurtre de trois autres personnes qui auraient consommé la nourriture mélangée au poison qu'elle avait préparée et servie le 9 avril, une semaine après son mariage avec Umaru Sani.

"Wasila devait comparaître aujourd'hui", mais le procès a été reporté sine die en raison d'un retard provoqué par une grève du personnel judiciaire, a indiqué Salisu Yakubu, du tribunal de Gezawa.

Selon la police, l'accusée a avoué avoir empoisonné Sani et ses invités au cours de la réception organisée pour son mariage dans le village d'Unguwar Yansoro, situé à une soixantaine de kilomètres de Kano, la plus grande ville du nord du Nigeria.

"Elle l'a fait parce qu'elle a été forcée par ses parents à épouser un homme qu'elle n'aimait pas", a déclaré à l'AFP le porte-parole de la police de l'Etat de Kano, Musa Magaji Majia.

Mais, pour l'avocate de l'adolescente, Hussaina Aliyu, les aveux de Wasila Tasi'u ne sont pas recevables en justice, l'accusée ayant, selon elle, été interrogée par la police sans la présence d'un parent ou d'un avocat.

L'avocate avait demandé en vain la comparution de la jeune fille devant un tribunal pour enfants.

Les mariages d'adolescentes avec des hommes beaucoup plus âgés qu'elles sont très répandus dans le nord du Nigeria, majoritairement musulman, en particulier dans les zones rurales pauvres.

Selon certains, la charia, la loi islamique en vigueur depuis 2000 dans cette région, n'interdit pas le mariage de filles très jeunes.

Or, selon la législation fédérale sur le mariage, qui s'applique dans tout le pays, une jeune femme de moins de 21 ans ne peut se marier qu'avec le consentement de ses parents.

Avec ce consentement il n'y a pas d'âge minimum pour le mariage d'une jeune fille, y compris dans le Sud majoritairement chrétien, "ce qui est très, très malheureux", selon le défenseur des droits de l'Homme Festus Keyamo.

Mais les cas de mariages de très jeunes filles sont rares dans le Sud, et le sort de Wasila a attiré l'attention sur le système légal hybride dans le Nord, où charia et code pénal cohabitent.

La question du mariage des enfants a fait l'objet de vifs débats au Nigeria dans l'année écoulée, après la proposition d'un député du Nord de permettre à toute jeune fille, quel que soit son âge, d'être considérée comme adulte aux yeux de la loi une fois mariée.

La proposition n'est pas devenue une loi mais elle a été très critiquée.

Cependant, pour Jiti Ogunye, un autre défenseur des droits de l'Homme, l'affaire Wasila n'a en fait rien à voir avec la charia.

"Une fille de 14 ans ne peut pas subir un procès selon le code pénal. Cette affaire ne fait qu'ajouter à la mauvaise réputation de notre pays aux yeux de la communauté internationale", a-t-il affirmé à l'AFP.

Il a appelé les autorités de Kano à abandonner immédiatement les charges contre la jeune accusée: "C'est une victime".

Pour l'avocate de l'adolescente aussi, cette affaire n'est pas un référendum sur le mariage des très jeunes filles dans une société musulmane. La question principale est qu'une mineure accusée de crime devrait être jugée par un tribunal pour enfants. "C'est encore une enfant", a-t-elle souligné.

L'Etat de Kano est le théâtre de nombreux attentats de Boko Haram, qui mène depuis 2009 une sanglante insurrection en vue de l'instauration d'un Etat islamique dans le nord du Nigeria, pays le plus peuplé d'Afrique et première économie du continent.

Plus de 200 lycéennes ont été enlevées par le groupe en avril à Chibok (nord-est). Le chef de Boko Haram, Abubakar Shekau, avait peu après déclaré qu'il voulait les "vendre" comme "esclaves" ou les "marier" de force.

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