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Le retour en grâce du mezcal, l'ancêtre oublié de la tequila

Le retour en grâce du mezcal, l'ancêtre oublié de la tequila

Plus artisanal et moins réputé que la tequila, à qui il a pourtant donné naissance, le mezcal vit une deuxième jeunesse au Mexique mais aussi en Europe et aux États-Unis, où la bouteille avoisine les 100 dollars.

Un cheval pour moudre les agaves - des plantes similaires à des cactus - et un four à bois pour distiller l'alcool: c'est tout ce qu'il faut pour produire cette boisson dans de petites distilleries rudimentaires comme celle de la famille Cortés dans la vallée d'Oaxaca, région majoritairement indigène du sud du Mexique.

Créée en 1840, cette fabrique est l'une des plus anciennes de Santiago Matatlan, berceau du mezcal.

Malgré ses mains crevassées, José, indigène zapotèque de 75 ans, continue de prendre soin des agaves pendant que ses fils coupent, à la hache, les feuilles des plantes pour en faire apparaître le coeur où se niche le sucre, essentiel à la distillation.

Les Cortés ont été parmi les rares producteurs à ne pas quitter la ville quand il y a dix ans, la boisson se vendait à peine.

Alors considérée comme le breuvage "des pauvres et des ivrognes", elle a amorcé en 2010 son retour en grâce, séduisant par son grand éventail de saveurs et son côté naturel.

Aujourd'hui, 70% de sa production s'exportent vers les États-Unis, l'Europe ou l'Australie, où la bouteille se vend autour de 100 dollars.

"Nous sommes vraiment reconnaissants parce que ceux qui ont décidé de faire voyager le mezcal dans d'autres pays ne l'ont pas fait comme une simple boisson alcoolisée, mais comme une boisson qui fait partie de notre culture", explique Asis Cortés, qui représente, à 27 ans, la sixième génération à se consacrer à cette eau de vie.

Car pour dans la région, le mezcal n'est pas seulement un alcool délicieux, c'est aussi un remède médicinal ("Pour tout ce qui va mal, du mezcal, pour tout ce qui va bien, aussi", dit un proverbe local) et un moyen presque magique d'entrer en connexion "avec les ancêtres, avec la terre, avec les dieux et avec soi-même", assure Asis.

Pour le fabriquer, il faut s'armer de patience, car sur la trentaine d'espèces d'agaves pouvant être utilisées, seule une, l'espadin, est facilement cultivable... mais a besoin de sept ans pour mûrir.

Pour les autres variétés, le temps de maturation peut atteindre jusqu'à 35 ans.

Viennent ensuite la récolte et la production, qui prennent aussi leur temps : pour 200 litres, il faut compter jusqu'à un mois.

Récompense de tous ces efforts, le mezcal et ses 45 degrés minimum, que l'on recommande de déguster seul, séduit une niche de marché haut de gamme, en pleine expansion depuis cinq ans.

Sa production s'est envolée de 143% en 2013 à 2,5 millions de litres. Ses exportations ont augmenté de 12%, à près d'un million de litres et dans 31 pays.

De quoi sonner le glas d'une production exclusivement artisanale: déjà près de 60% du mezcal est fait de manière industrielle, par des marques comme Zignum (dont Coca-Cola a une part) ou Beneva.

C'est le chemin qu'avait pris la tequila, autrefois appelée "vin de mezcal de Tequila", dans les années 50 quand les autorités l'ont rebaptisée pour en faire la promotion, surfant à l'époque sur l'âge d'or du cinéma dans le pays.

L'industrialisation de cette boisson désormais considérée comme l'emblème du Mexique avait fait décoller sa production, à côté de laquelle le mezcal ne représente aujourd'hui qu'1,1%.

Mais son récent boom pourrait menacer les réserves d'agaves, dans la région d'Oaxaca, déjà mises à mal par les fabricants de tequila, qui en achètent de grandes quantités pour compléter leur production quand leurs propres plantes ne suffisent pas, et par la mode d'édulcorants comme le miel d'agave.

A l'horizon, le risque d'"une catastrophe écologique" pèse sur la grande diversité de ces plantes, prévient Abel Alcantara, président de l'association Maestros del Mezcal.

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