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Pour l'Ukraine, la diplomatie inédite du téléphone à plusieurs

Pour l'Ukraine, la diplomatie inédite du téléphone à plusieurs

La gestion de la crise ukrainienne a pris ces dernières semaines une tournure inédite en diplomatie: celle des coups de fil à plusieurs, incluant France, Allemagne, Russie et Ukraine, à deux, à trois ou à quatre.

"J'ai rarement vu cela. Des appels bilatéraux, oui c'est tout le temps, mais des appels comme ça, à trois ou quatre c'est assez nouveau et inédit", relève un responsable français sous couvert de l'anonymat. "Ca montre à quel point ce conflit ukrainien ne peut être résolu avec un seul intervenant extérieur et que la médiation n'est efficace qu'à plusieurs".

"Cette diplomatie du téléphone permet d'avancer de façon plus rapide, plus efficace, plus active", confirme un autre responsable occidental.

Alors que l'est de l'Ukraine n'est pas pacifié, il est difficile cependant de tirer des conclusions sur sa pertinence. Particulier, le cas de figure ukrainien ne veut pas dire non plus que toutes les crises à l'avenir passeront par ce cheminement diplomatique.

En 2008, le président français Nicolas Sarkozy, avait agi en solo face à la Russie pour éviter une annexion d'une partie de la Georgie. Il s'était déplacé à Moscou et à Tbilissi. Il n'y avait pas eu de tandem avec la chancelière Angela Merkel et le chef d'Etat français de l'époque s'était appuyé sur sa présidence de l'Union européenne pour donner un poids supplémentaire à son intervention.

Dans le cas de l'Ukraine, pas de déplacements sur le terrain ou en Russie de chefs d'Etat. L'initiative est surtout franco-allemande. Au début de la crise, elle était aussi le fait de la diplomatie polonaise, qui, à en croire certains diplomates, a eu un rôle prépondérant pour limiter la radicalisation de l'opposition.

Aujourd'hui, un rythme de croisière semble avoir été pris pour des entretiens téléphoniques multilatéraux réguliers sur la crise ukrainienne, ici pour appeler à l'arrêt de violences, là pour encourager le dialogue entre pouvoir et insurgés pro-russes.

Les conférences téléphoniques suivent un processus huilé. Les sherpas (conseillers diplomatiques) du Français François Hollande, de l'Allemande Angela Merkel, du Russe Vladimir Poutine et de l'Ukrainien Petro Porochenko - se concertent d'abord pour juger de l'utilité d'un rendez-vous téléphonique.

La décision prise, un horaire est arrêté et le moment venu les secrétariats composent les numéros. Dans le bureau du président français, le haut-parleur du téléphone est branché. "Les entretiens sont en général assez peu protocolaires et très directs. Il y a toujours des traducteurs dans chaque langue mais, régulièrement, Merkel et Poutine se parlent en russe ou en allemand qu'ils maîtrisent tous deux. Porochenko s'exprime, lui, fréquemment en anglais et souvent Hollande lui répond directement en anglais pour aller plus rapidement", raconte un témoin.

Un laps de temps s'écoule souvent avant que tous les participants ne soient en ligne. Des conversations libres s'ouvrent alors, comme lorsque François Hollande a parlé football avec Angela Merkel pour la féliciter de la victoire écrasante de l'Allemagne sur le Brésil en coupe du monde.

Les entretiens peuvent aussi se dérouler en visio-conférence si les dirigeants le souhaitent.

Jeudi, le gouvernement ukrainien a suggéré d'utiliser Skype pour relancer les pourparlers du groupe de contact sur le conflit avec les rebelles prorusses dans l'Est. "L'idée parait séduisante parce que ca parle au grand public. Mais en termes de confidentialité, de sûreté, ce n'est pas l'idéal", note-t-on à Paris.

Alors que François Hollande, Angela Merkel et Vladimir Poutine se parlent, il est possible qu'une deuxième discussion intervienne simultanément entre leurs ministres des Affaires étrangères. "Ce n'est pas une diplomatie parallèle", il y a une répartition des rôles dans la gestion du conflit et les ministres savent ce qui est attendu entre les chefs d'Etat et qu'ils seront missionnés pour mettre en oeuvre telle ou telle directive, raconte un diplomate expert de ce type d'échanges à plusieurs.

Les entretiens des dirigeants donnent lieu ensuite à des communiqués. Les éléments de langage sont là aussi préparés par les sherpas, corrigés et amendés en fonction des demandes des uns et des autres, ajoute ce même diplomate.

Ces dernières semaines, le communiqué français a souvent été publié avant l'allemand. Peut-être que les Allemands ont besoin de plus de temps que les Français pour sa mise en forme, dit-on en souriant à Paris.

prh-swi/thm/jh

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