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Chine: Xi Jinping veut faire taire la fronde de la société civile

Chine: Xi Jinping veut faire taire la fronde de la société civile

Militants, avocats, journalistes, blogueurs, enseignants... La nouvelle direction chinoise s'en prend résolument à une société civile émergente et volontiers frondeuse pour y étouffer les voix dissidentes, une entreprise qui s'avère pour l'instant redoutablement efficace, selon les analystes.

Le Parti communiste au pouvoir exerce depuis toujours un contrôle rigoureux sur la société chinoise, tuant dans l'oeuf toute protestation publique ou action organisée susceptible de provoquer de l'"agitation sociale".

Mais les observateurs relèvent un nouveau tour de vis sous Xi Jinping, à la tête du parti depuis 2012 et de l'État depuis début 2013, qui a renforcé le pouvoir central tout en annonçant un calendrier de réformes économiques ambitieuses.

Mercredi, le quotidien officiel Global Times a annoncé la publication par l'administration chargée de la presse de nouveaux règlements proscrivant aux journalistes chinois --déjà interdits de toucher à tout sujet "sensible"-- de divulguer des "secrets d'État, secrets commerciaux et des informations non-officielles", ainsi que "l'interdiction d'écrire des articles critiques, à moins d'avoir reçu l'approbation de l'unité de travail".

"La contestation et le développement de la société civile ne sont, de manière générale, plus tolérés", a expliqué Joseph Cheng, expert en politique chinoise à la City University de Hong Kong.

L'une des tactiques consiste à "créer de la dissuasion par le biais de lourdes sanctions", a-t-il affirmé, ajoutant: "Je dois reconnaître que le message est efficace".

Dernier exemple en date, l'arrestation de sept militants au Henan (centre) la semaine dernière, accusés d'avoir "provoqué de l'agitation" en organisant une cérémonie pour le 25e anniversaire de la répression de Tiananmen, ont indiqué des groupes de défense des droits de l'Homme.

Par ailleurs, une dizaine de militants et d'avocats ont été emprisonnés pour des charges allant de trouble à l'ordre public à "incitation à la subversion du pouvoir d'État", accusation qui déjà valu au prix Nobel de la paix Liu Xiaobo 11 ans de prison en 2009.

La Cour Suprême chinoise avait annoncé auparavant des peines de trois ans de prison pour toute personne diffusant des informations "calomnieuses" partagées plus de 500 fois ou vues à plus de 5.000 occasions sur Internet.

A la même période, plusieurs célèbres blogueurs, traînés devant les caméras de la télévision publique, ont fait acte de contrition et promis de s'abstenir de publier des propos pouvant avoir une influence sociale "négative".

Et en mai 2013, les universitaires ont reçu une liste de sept sujets tabous, proscrits d'enseignement, parmi lesquels les valeurs universelles, la liberté de la presse et l'indépendance de la justice.

À son arrivée au pouvoir, Xi Jinping a promis de s'atteler aux problèmes urgents de la Chine - réformer l'économie, source de légitimité pour le parti, et combattre une corruption omniprésente, source d'exaspération dans la population.

Xi "sait que des réformes doivent être effectuées pour maintenir le parti au pouvoir, mais il ne veut pas qu'elles soient détournées, ou vues comme le résultat des exigences de la société civile" a affirmé Maya Wang, chercheuse de Human Rights Watch en Chine.

Tout en s'en prenant à la corruption à haut niveau, le pouvoir a ainsi condamné à plusieurs années de prison une dizaine de militants anti-corruption modérés, au motif qu'ils avaient publiquement demandé aux fonctionnaires de publier leurs revenus et leurs biens personnels.

"C'est la guerre telle que Xi Jinping la perçoit: combattre dans le domaine idéologique et celui des affaires en débat dans le pays, comme ce que les gens pensent, comment ils parlent du passé et de l'avenir ou du rôle et de la légitimité du parti", estime Zhengxu Wang, spécialiste de politique chinoise à l'Université de Nottingham.

L'approche agressive des autorités a poussé les militants à se faire discrets, et les utilisateurs des réseaux sociaux à la prudence, a indiqué Maya Wang: réprimer journalistes et blogueurs a pour effet de "nettoyer" le discours public général de tous propos critiques.

Au fil des ans, le parti a doublé son vaste réseau de médias d'État d'un immense système de censure filtrant les contenus d'internet.

Mais Xi Jinping a poussé le parti à durcir encore davantage son emprise: "Il ne peut pas contrôler ce que les gens pensent mais la manière dont les choses sont débattues, en éliminant les +mauvais messages+, jugés dangereux", relève Maya Wang.

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