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En Espagne, l'opposition vent debout contre le futur statut juridique du roi

En Espagne, l'opposition vent debout contre le futur statut juridique du roi

Le parti conservateur au pouvoir en Espagne a défendu seul mardi contre toute l'opposition la procédure parlementaire accélérée choisie pour permettre au roi Juan Carlos de bénéficier d'un statut juridique spécial après son abdication, alors qu'il n'a plus de fonction officielle.

Privé de l'inviolabilité qui l'a couvert tout au long de son règne, Juan Carlos, une fois ce texte voté, n'aurait pas, en cas de poursuites, à répondre devant les tribunaux ordinaires mais devant le seul Tribunal Suprême, en vertu d'une forme d'immunité qui protège également des milliers d'élus en Espagne.

S'ils ne sont pas contre le principe d'un statut juridique spécial, les socialistes, première force d'opposition, ont critiqué mardi la voie rapide choisie par le Parti populaire, de droite, qui les prive "d'un débat serein".

Avant le vote prévu jeudi en session plénière, la commission de la Justice de la Chambre basse a adopté mardi le texte avec les seules voix du PP, les socialistes s'étant abstenus tandis que d'autres petits partis d'opposition, des centristes d'UPyD aux nationalistes basques du PNV, l'ont rejeté, s'indignant de l'idée même d'offrir un statut spécial à Juan Carlos.

"Cela lance un message irrespectueux envers la justice", a tonné Gaspar Llamazares, porte-parole de l'alliance de la Gauche plurielle, qui rassemble des petits partis républicains.

Faisant un parallèle avec la soeur du roi Felipe VI, l'infante Cristina, inculpée de fraude fiscale par un juge des Baléares, José Castro, il a ajouté:

"Ce message veut dire 'moi, le juge Castro ne me juge pas, parce que je ne suis pas le citoyen Juan Carlos, même si j'ai abdiqué. Je suis le roi émérite et la Famille royale ne répond qu'au Tribunal suprême ou à Dieu.'"

Le chef du gouvernement conservateur, Mariano Rajoy, a défendu le projet de statut spécial, "raisonnable, juste et sensé", justifié selon lui par "quarante ans passés au service de l'Etat".

Après l'abdication de Juan Carlos, le 18 juin, et l'investiture de Felipe VI, le PP avait décidé de présenter deux amendements à un projet de loi sur le pouvoir judiciaire qui n'abordait pas, à l'origine, le statut juridique de la Famille royale.

Ce choix devrait permettre d'éviter les longs mois de procédures qu'aurait entraîné la présentation d'une nouvelle loi spécifique, a expliqué le gouvernement.

Avec ces amendements, le PP compte conférer rapidement à l'entourage direct de Felipe VI - Juan Carlos, qui garde le titre honorifique de roi, son épouse Sofia, la nouvelle reine Letizia et la princesse Leonor, héritière du trône- un statut juridique similaire à celui de milliers de personnes en Espagne, depuis les membres du gouvernement central jusqu'aux parlementaires régionaux, en passant par les juges.

Il permettra de renvoyer toutes les procédures, civiles et pénales, dirigées contre eux vers le seul Tribunal Suprême.

Mais le statut protégeant les élus s'éteint "le jour même où ils quittent leurs fonctions", explique Eduardo Virgala, professeur de droit constitutionnel à l'Université du Pays basque.

Tel qu'il est envisagé, le nouveau statut du roi lui semble donc "clairement inconstitutionnel", car il va à l'encontre de "l'égalité de tous les citoyens face à la loi". "Il s'agirait d'un cas unique, où une personne qui n'occupe plus aucune fonction publique" est couverte par ce statut, estime-t-il.

Les défenseurs d'un statut spécial pour Juan Carlos craignent une avalanche procédurière. Privé de son inviolabilité, Juan Carlos pourrait ainsi, à 76 ans, faire face à une demande de reconnaissance de paternité.

Le principe d'inviolabilité du roi, qui interdit à la justice de le poursuivre et de le juger, avait été invoqué en 2012 pour rejeter une double demande en justice de reconnaissance de paternité, dont celle d'un Catalan, Alberto Sola. Maintenant que Juan Carlos a perdu ce statut, son avocat espère que le dossier sera admis.

"De nombreux citoyens qui sont célèbres peuvent être visés par des plaintes et ils ne disposent eux d'aucune défense spéciale", rétorque Eduardo Virgala. "Leur protection réside dans l'action des tribunaux".

elc/sg/mr

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