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La colère sociale et les souffrances ont rapproché les Bosniens ethniquement divisés

La colère sociale et les souffrances ont rapproché les Bosniens ethniquement divisés

La colère sociale qui avait embrasé la Bosnie en février, de même que les inondations catastrophiques qui ont endeuillé le pays au mois de mai, ont vu naître une solidarité sans précédent depuis la fin du conflit de 1992-95 entre les trois communautés ennemies de cette ex-république yougoslave.

"Cette solidarité représente notre plus grande victoire", affirme Nidzara Ahmetasevic, une journaliste qui a participé à l'organisation des manifestations anti-gouvernementales à Sarajevo.

"Puis, cela s'est reproduit lors des inondations, avec des scènes de solidarité incroyables, indépendamment de l'ethnie des sinistrés", dit-elle.

Après le conflit intercommunautaire qui a fait 100.000 morts, la Bosnie a été divisée en une entité serbe, et une autre croato-musulmane, reliées par de faibles institutions centrales. Les trois communautés sont restées depuis profondément divisées et n'ont trouvé aucun raison pour se réunir derrière un projet quel qu'il soit.

Mais, le 7 février, des manifestants en colère ont brûlé et saccagé le siège de la présidence à Sarajevo et d'autres immeubles des administrations régionales dans plusieurs villes, notamment à Tuzla (nord) et Mostar (sud), dans une explosion de colère sociale sans précédent.

Au lendemain des violences, les dirigeants politiques affirmaient être prêts à écouter le message des citoyens, à présenter leurs démissions et à entamer des réformes.

Pendant des semaines, des manifestants ont continué à bloquer le centre de la capitale et à protester dans plusieurs autres villes. Au quotidien ils participaient à des "plénums", sortes d'assemblées populaires, pour formuler leurs revendications à l'égard du pouvoir.

Le mouvement s'est depuis essoufflé et la plupart des dirigeants qui s'étaient empressés de proposer leurs démissions se sont maintenus au pouvoir au grand dam des manifestants qui avouent leur impuissance.

"C'était une fête de la démocratie. Pour la première fois, les habitants de ce pays ont commencé à se solidariser autour des questions qui vont au-delà des clivages ethniques", estime néanmoins Asim Mujkic, professeur de sciences politiques à Sarajevo.

C'est cette solidarité entre Musulmans, Serbes et Croates qui est le plus souvent évoquée par des analystes comme l'effet le plus important des manifestations.

"Les élites politiques corrompues s'accrochent au pouvoir en s'appuyant sur les confrontations entre les groupes ethniques. Elles immobilisent ainsi l'énergie bénéfique qui pourrait surgir de l'intérêt commun de ces groupes", explique M. Mujkic, un des rares intellectuels à avoir rejoint le mouvement de rue.

"Mais je pense que le glas de cette politique a sonné".

Trois mois après ces manifestations qui ont uni les Bosniens contre la pauvreté, le pays a été frappée par les pires inondations depuis un siècle.

Ces intempéries ont fait des dizaines de morts, alors que 100.000 personnes avaient été contraintes à quitter temporairement leurs foyers, une situation qui a rappelé les pires moments de la guerre.

Alors que les autorités ne réagissaient pas, figées dans leur logique de division ethnique, les gens ordinaires ont pris l'initiative et sont allés au secours des sinistrés sans se préoccuper de leur nationalité.

"Devant la tragédie, la méfiance interethnique a volé en éclats", note l'analyste politique Enver Kazaz.

Selon M. Kazaz, les élites politiques des trois communautés "n'ont pas compris le message des protestataires". Il prédit de nouvelles manifestations de protestation à l'approche des élections générales du 12 octobre.

"L'année prochaine sera celle d'une catastrophe sociale", met-il en garde.

En Bosnie, un des pays les plus pauvres d'Europe, le chômage touche 44% des 3,8 millions d'habitants. La corruption ronge la société et le niveau de vie s'est davantage détérioré au cours des dernières années à cause de la crise économique et des querelles politiciennes incessantes.

"Ce n'est pas fini! L'heure où on va tous se soulever approche", assure Drenko Koristovic, 58 ans, un électricien au chômage, qui continue à manifester au quotidien avec une poignée d'irréductibles devant le siège de la présidence à Sarajevo.

rus/cn/jr

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