Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Au Mali, le foot les yeux fermés

Au Mali, le foot les yeux fermés

Dans une salle d'une école pour aveugles de Bamako, des élèves suivent des cours de français en braille, mais ils sont surtout impatients d'aller taper dans le ballon à l'extérieur.

Pas n'importe quel ballon: un ballon à grelots utilisé au cécifoot, le football à cinq des non-voyants.

Sur un sol de terre rouge, 150 jeunes élèves de l'Institut des jeunes aveugles (IJA) de Bamako pratiquent le football à 5 lors de trois séances d'entraînement hebdomadaires.

Cette discipline suit les règles de la Fédération internationale de football (FIFA), avec des aménagements pour tenir compte du handicap des joueurs.

Le terrain est entouré de hautes barrières de protection latérales, les joueurs repèrent le ballon au son des grelots qu'il contient.

Seul le gardien de but a une bonne vue. Et de part et d'autre des buts, des guides donnent de la voix pour orienter les joueurs vers les cages.

Tous les joueurs portent des masques pour mettre aveugles et malvoyants sur un pied d'égalité.

Daouda Kassambara, 8 ans, assure que ce sport le motive à travailler davantage à l'école.

Le cécifoot "me donne envie d'aller encore plus loin (dans les études) car un jour viendra, je serai un grand joueur, pourquoi pas un joueur international?".

Au-delà de l'effort physique, cette discipline permet aux jeunes de développer les qualités d'assurance et d'autonomie nécessaires dans la vie quotidienne, selon des spécialistes.

"J'ai aimé ces enfants depuis leur jeune âge et j'aime leur donner le peu que j'ai", affirme, après une séance d'entraînement, Mariam Katito.

Cette professeur d'éducation physique dans un lycée de Bamako consacre son temps libre à encadrer les jeunes footballeurs mal-voyants.

Le cécifoot, "c'est la maîtrise de la balle, de l'espace, et surtout de la communication", explique Alamissa Cissé, lui-même aveugle, enseignant à l'IJA et capitaine de l'équipe.

"Par exemple, +voy voy+ veut dire qu'à chaque mouvement ou à chaque contact avec le ballon, il faut dire +voy+ pour ne pas se télescoper", explique l'enseignant.

Mamadou Thiam, 18 ans, pratique le cécifoot depuis deux ans. "C'est ma passion. Mon objectif est de jouer dans les grandes compétitions internationales".

Depuis les Jeux Olympiques d'Athènes en 2004, le cécifoot est en effet une discipline olympique.

Mais aucun championnat n'est organisé en Afrique, où seuls deux pays disposent d'une équipe nationale, le Cameroun et le Maroc.

Malgré leurs moyens limités, les joueurs de l'IJA ont une même ambition: pouvoir participer un jour aux jeux paralympiques.

Le Mali veut former sa propre équipe de cécifoot. Ses joueurs, des adultes dont beaucoup sont issus de l'IJA, sont récemment rentrés d'un stage en France à Fontenay-sous-Bois, en région parisienne.

L'équipe y a fait une excellente impression en remportant deux matchs contre l'AVH, un club parisien évoluant dans le championnat de cécifoot français. La France a emporté la médaille d'argent lors des JO de 2012 à Londres.

Lors d'un séjour dans son pays d'origine, le footballeur malien du FC Sochaux, basé à Montbéliard (est de la France), Cédric Kanté, a invité des amis footballeurs maliens et français à participer à un match amical contre l'équipe malienne de cecifoot.

Ces joueurs professionnels ont dû se bander les yeux pour être sur un pied d'égalité avec leurs adversaires, une expérience stimulante pour ces sportifs.

"Ca a été assez compliqué pour une première, mais je suis sûr qu'on peut progresser. C'est intéressant de voir un petit peu cette communication qui doit être permanente, cette solidarité", explique Cédric Kanté.

Il estime qu'il "y a des synergies à trouver avec le football des valides".

Simon Pouplin, un de ses amis, gardien de but au FC Sochaux, récemment relégué en Ligue 2, a été impressionné par les joueurs aveugles de l'équipe malienne.

"Je leur tire mon chapeau. Quand on voit ce qu'ils arrivent à faire, on a pratiquement l'impression (qu'ils ont) très peu de handicap. Avec l'ouïe seule, ils arrivent à faire des choses très impressionnantes".

str/mrb/stb/cac

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.