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Mondial 2014 : une Black Bloc derrière son masque à Rio

Mondial 2014 : une Black Bloc derrière son masque à Rio

Ils se couvrent le visage avec des foulards ou des cagoules noirs et les autorités les voient comme la principale menace à la tranquillité du Mondial lors des manifestations urbaines.

Mais derrière leur masque, les Black Blocs, ces manifestants qui s'inspirent du mouvement anarchiste surgi en Allemagne dans les années 80, sont des jeunes généralement issus de la petite classe moyenne qui pensent que la société ne pourra pas s'améliorer de façon pacifique.

Après huit heures de travail nocturne dans un laboratoire d'analyses médicales d'un hôpital de Rio, Elizabeth, 21 ans, arrive épuisée dans sa maison modeste d'une favela "non pacifiée" de la banlieue nord de Rio, dominée par des trafiquants de drogue.

Son salaire de 354 euros ne lui permet pas d'être indépendante et elle vit avec son père, un pompier à la retraite.

Sans dormir, elle prépare tout ce dont elle aura besoin pour une nouvelle manifestation prévue dans le centre de Rio à quelques jours du Mondial, qui s'avérera peu suivie.

"Beaucoup et pas seulement les adeptes de la tactique Black Bloc se réservent pour le Mondial", affirme Elizabeth (nom fictif) à l'AFP, dans un rare témoignage d'un Black Bloc à la presse. Pour le match d'ouverture le 12 juin à Sao Paulo, des manifestations ont été convoquées sur les réseaux sociaux dans tout le pays.

Elle emporte un masque à gaz et des lunettes, ainsi que des vêtements noirs dont un foulard pour le visage. Mais derrière cet uniforme agressif se cache une jeune fille sensible et coquette, aux grands yeux bruns et très longs cils, la peau mate, les cheveux lisses et blonds et qui porte un appareil dentaire.

Elizabeth prend quelques affiches pour les coller dans le métro. L'une d'elle montre une femme qui ouvre son corsage devant un policier en lui criant "Tire, fils de pute !". C'est un hommage aux victimes de la violence policière dans les favelas.

"Je rêvais depuis toute petite que l'on descende dans la rue comme on le fait aujourd'hui". Elle souligne que le mot "anarchiste" lui semble "trop fort" et elle préfère se dire "sympathisante" de cette idéologie qui, selon elle, s'oppose à un système capitaliste "basé sur la mesquinerie, qui exploite l'être humain".

Ce que veulent les Black Blocs n'a rien d'utopique : de meilleurs transports publics, l'éducation et la santé, "car beaucoup meurent à la porte des hôpitaux".

Au Brésil, le mouvement a surgi pendant la fronde sociale de juin 2013 contre les dépenses du Mondial.

Les Black Blocs manifestent en première ligne et certains ont des boucliers pour se protéger des attaques de la police.

Elizabeth les a rejoints en juin dernier. "Des policiers m'agressaient alors que je n'avais rien fait et des Black Blocs les ont repoussés. Ceux qui devaient me protéger me frappaient et ceux qui étaient les casseurs présumés étaient en train de m'aider".

Mais comme tous les autres Black Blocs, elle insiste sur le fait qu'elle ne représente personne et qu'il ne s'agit pas d'un groupe mais d'une "tactique d'action à laquelle tout le monde peut participer".

Les Black Blocs ont détruit des agences bancaires, des véhicules de la télévision et affronté des policiers. Ils préparent des cocktails Molotov et lancent des pierres sur les forces de l'ordre mais Elizabeth jure que c'est toujours "en réaction à la violence des policiers qui chargent les premiers".

Le pire moment, ils l'ont vécu en février, après la mort du caméraman brésilien Santiago Andrade, 49 ans, atteint en pleine tête par un feu de Bengale lancé par un manifestant. Aujourd'hui, ce Black Bloc est en prison.

"Je pense que ça a été une erreur et je déplore profondément sa mort mais ça a été un accident, sans préméditation (sauf que) le jeune est jugé comme s'il l'avait fait exprès", regrette Elizabeth. Elle ne justifie la violence que comme réaction à une attaque mais prévient que "l'on ne peut pas contrôler tout le monde".

Elle insiste sur le fait que la "police est toujours plus violente" que les manifestants.

Après les manifestations de juin 2013, en pleine Coupe des Confédérations, les Black Blocs ont gagné de la force dans les manifestations qui ont suivies, de moindre intensité mais plus radicales. Puis le mouvement s'est affaibli en raison des menaces d'agents des forces de l'ordre sur Facebook, selon Elizabeth qui affirme en avoir reçues de quatre policiers différents.

Au-delà de son travail et de son intense activisme, Elizabeth aime le sport, la lecture et l'écriture.

Actuellement, elle a dans son sac à dos un livre sur Goebbels, qui fut le ministre de la propagande allemande nazie. Elle dit vouloir connaître à fond la pire face de l'Histoire.

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