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"Beau Jolée", "Chatelet Margaux": la lente protection des vins en Chine

"Beau Jolée", "Chatelet Margaux": la lente protection des vins en Chine

"Il n'est champagne que de la Champagne": si la Chine a fait sienne la devise de l'interprofession en reconnaissant l'origine unique des bulles champenoises, il reste encore beaucoup à faire pour protéger les vins et en particulier les grands crus, les plus copiés.

Il est par définition difficile de chiffrer un marché clandestin mais il suffit de se rendre dans un supermarché chinois pour dénicher des bouteilles aux étiquettes parfois farfelues: "La Fite", "Chatelet Margaux" ou encore le savoureux "Beau Jolée"...

A Paris, l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) traite plus de 500 dossiers nouveaux de contrefaçon par an, dont 30% concernent la Chine. Sur ces 30%, quasi 100% sont des dossiers viticoles.

Plus une marque ou une AOC est connue, plus elle est exposée. Plus un vin est cher, plus il est rentable pour les contrefacteurs. En 2013, les exportations françaises de vins et spiritueux vers la Chine ont atteint 836 millions d'euros.

A l'occasion d'une visite dans le Bordelais cette année, le patron de l'Académie chinoise de l'inspection et de la quarantaine (CAIQ), Xinshi Li, a révélé que les faux vins français étaient fabriqués sur des bateaux ancrés dans les eaux internationales, au large des côtes chinoises.

Selon lui, ce problème "très grave" concernerait au moins la moitié des ventes de "Château Lafite". Des informations impossibles à vérifier.

Les grands châteaux sont généralement réticents à s'exprimer, refusant d'être associés de près ou de loin aux jus de raisin anonymes qui usurpent leur nom et leur réputation.

Fabien Teitgen, directeur technique au château "Smith Haut Lafitte", grand cru classé (Graves), a accepté de répondre aux questions de l'AFP.

"La contrefaçon est un problème que nous prenons très au sérieux et que nous avons toujours cherché à anticiper", explique-t-il, tout en affirmant n'avoir "jamais été confronté directement à la contrefaçon".

"Les Grands crus de Bordeaux représentent des cibles de choix puisque leur valeur et surtout la pérennité de leur valeur dans le temps sont élevées".

Parmi les parades: habillage et design personnalisés, scellé inviolable avec code à bulle, application sur smartphone ("Smart Bordeaux") lancée par le Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux (CIVB).

Des négociations sont en cours entre l'Union européenne (UE) et la Chine pour faire enregistrer 100 indications d'origine (IG) européennes en Chine (dont une quarantaine d'appellations françaises, essentiellement viticoles) contre 100 IG chinoises en France.

Encore faut-il les faire respecter. "L'enjeu, c'est la mise en oeuvre et le contrôle", précise ainsi Véronique Fouks, responsable du service juridique et international de l'INAO.

La France et la Chine sont également convenues d'expérimenter avec les vins français un nouveau label de certification, le PEOP (Produit d'éco-origine protégée), et Pékin envisage de reconnaître l'origine "Bordeaux".

C'est le cas depuis décembre 2009 pour le cognac et depuis 2013 pour le champagne, protégé sous son nom officiel ainsi que sous la transcription romanisée (pinyin) des caractères chinois "xiang bin", ainsi que les Chinois appellent ce vin.

Les douanes françaises et l'INAO chinois ont aussi signé un accord en vertu duquel les autorités chinoises pourront consulter les registres des Documents administratifs électroniques (DAE) français contenant des dizaines de noms de grands crus classés.

"On en est encore aux intentions, il faut rester prudent", note Guillaume Deglise, directeur général du salon Vinexpo Asie-Pacifique qui se tenait du 27 au 29 mai à Hong Kong.

Ironie du sort, les vins français contrefaits le sont en partie avec du vin... français.

"C'est du vin étranger, ça n'agresse pas le palais, ce n'est pas du vin chinois. On ne peut pas le dire avec certitude, mais il est tout à fait possible qu'il y ait du vin français importé en vrac" qui serve à remplir les bouteilles des contrefacteurs, dit un négociant installé à Shanghaï.

Au-delà des enjeux commerciaux, le blogueur Jim Boyce rappelle qu'il s'agit avant tout de santé publique dans un pays traumatisé par les scandales alimentaires: "On ne parle pas de sacs à main, de DVD ou de montres. c'est quelque chose que l'on met dans notre corps".

La meilleure façon de savoir qu'un vin est d'origine frauduleuse, "c'est d'en tomber malade ou d'en mourir", ironise sous couvert de l'anonymat le patron d'une société d'enquête privée sur les produits contrefaits.

"Je n'achèterai jamais de vin ni de spiritueux en Chine. Je l'ai fait une fois, jamais plus", dit-il.

gab/fmp/mpd

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