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Un an après, le frère d'une victime de la fronde de Gezi toujours en quête de justice

Un an après, le frère d'une victime de la fronde de Gezi toujours en quête de justice

C'était il y a un an, mais Mustafa Sarisuluk n'a rien oublié. Le 1er juin 2013, son frère était abattu d'une balle en pleine tête par la police pendant la fronde antigouvernementale qui a embrasé la Turquie. Aujourd'hui, il attend toujours que justice lui soit rendue.

"Des milliers de personnes étaient rassemblées sur la place Kizilay, en plein centre d'Ankara, sous des nuages de gaz lacrymogène tiré par la police. Je savais qu'Ethem était là, j'y étais moi aussi", raconte à l'AFP Mustafa.

"J'ai moi-même porté quatre ou cinq personnes blessées ce jour-là", ajoute-t-il, "et j'ai vu la police délibérément viser les manifestants à tir tendu. Plusieurs cartouches de gaz m'ont frôlé la tête, je les ai évitées de justesse".

"Vingt minutes plus tard, j'ai entendu un coup de feu alors que je marchais vers l'un des coins du parc qui borde la place. J'ai pensé que la police avait tiré en l'air pour disperser la foule mais j'ai vu qu'on évacuait quelqu'un en ambulance. En regardant plus tard les images à la télévision, je me suis rendu compte que c'était mon frère".

Atteint en pleine tête, Ethem Sarisuluk, 26 ans, ouvrier membre du Parti communiste turc, est mort le 14 juin d'un arrêt cardiaque, après deux semaines de coma.

Au moins huit personnes sont mortes et plus de 8.000 autres ont été blessées pendant les trois semaines d'émeutes qui ont agité la Turquie il y a un an.

Partie du combat d'une poignée d'écologistes contre la destruction annoncée d'un jardin public de l'emblématique place Taksim d'Istanbul, le parc Gezi, ce mouvement de protestation s'est mué en une vague de contestation sans précédent du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, accusé de dérive autoritaire et islamiste.

Les images vidéo du coup de feu tiré par l'agent des forces de l'ordre ont inondé les réseaux sociaux. Elles suggèrent qu'il n'a pas agi en état de légitime défense, mais a plutôt délibérément visé Ethem Sarisuluk.

Identifié sous le nom d'Ahmet S., le policier n'est pourtant poursuivi pour la justice que pour "usage excessif de la force", un délit pour lequel il risque cinq ans de prison.

Le juge a refusé son placement en détention et, après une première audience au cours de laquelle il s'est présenté devant un tribunal d'Ankara avec une perruque et une fausse moustache, il a déserté son procès, d'ailleurs suspendu pour des questions de procédure.

La famille de la victime accuse le tribunal de partialité. "Nous n'avons aucun espoir d'obtenir un jugement équitable", soupire Mustafa, "c'est un procès de pure forme".

La violence de la répression exercée par la police turque contre les manifestants de Gezi a été sévèrement condamnée, aussi bien en Turquie qu'à l'étranger.

Amnesty International a montré du doigt des "violations des droits humains à très grande échelle". Et la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH) a déploré que "les autorités turques n'aient aucune volonté de poursuivre les auteurs de ces violations".

Quatre policiers sont poursuivis pour meurtre dans un autre procès, à Kayseri, accusés d'avoir battu à mort un manifestant à Eskisehir (nord-ouest).

Le frère d'Ethem Sarisuluk parle de "terreur policière" et s'indigne qu'elle continue, citant la mort la semaine dernière d'un homme tué par une balle de la police dans le quartier stambouliote d'Okmeydani, en marge d'une manifestation.

Mais il est persuadé que le mouvement né en juin 2013 finira, un jour, par triompher.

"Gezi est la version moderne des révoltes populaires et des conflits sociaux du passé", estime cet homme de 33 ans. "C'était la résistance légitime des opprimés, des pauvres et des jeunes contre les politiques répressives et discriminatoires du parti au pouvoir depuis plus de deux ans".

"Gezi était une rupture mais, un an après, je ne peux pas prédire si ce +bébé+ sera bien portant, malade ou s'il mourra de sa belle mort", poursuit Mustafa, "en tout cas je suis sûr que l'esprit de ce qui s'est passé restera".

fo-pa/bds

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