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Ukraine: dans le bastion séparatiste de Lougansk, tout le monde contrôle et personne ne contrôle

Ukraine: dans le bastion séparatiste de Lougansk, tout le monde contrôle et personne ne contrôle

"Nous avons envoyé une lettre aux Etats-Unis pour qu'ils reconnaissent notre pays", affirme Vassyl Nikitine, en gardant un oeil sur l'homme armé qui monte la garde autour du bâtiment central de la toute nouvelle République de Lougansk, dans l'est de l'Ukraine.

"Mais pour l'instant nous n'avons pas reçu de réponse", affirme le porte-parole de la nouvelle république, dans sa chemise écossaise. Et il est fort probable que les séparatistes attendront longtemps la réponse de Washington, les Etats-Unis soutenant les autorités de Kiev contre les séparatistes pro-russes de l'est de l'Ukraine.

Comme sa voisine de Donetsk, la région de Lougansk, une zone minière de 2,2 millions d'habitants, à la frontière avec la Russie, a tenu un référendum le 13 mai sur son indépendance. Les rebelles pro-russes, qui occupent depuis quelques semaines les principales villes de la région, ont revendiqué 95% de oui.

Les nouveaux dirigeants des deux régions, qui ont maintenant déclaré leur indépendance, affirment travailler à la rédaction d'une constitution et à la formation d'un gouvernement.

Seule différence: contrairement à la "République populaire de Donetsk", Lougansk n'a pas demandé son rattachement à la Russie.

"Fonder un pays est la partie la plus difficile. La République est encore très jeune, ce sont les premiers pas et c'est compliqué mais tout ira bien, pas d'inquiétudes", ajoute M. Nikitine.

Pourtant, la courte existence de cette nouvelle république a déjà été secouée par une "tentative d'assassinat". Le gouverneur autoproclamé de la région, Valéri Bolotov, a été blessé par balles mardi dans un "attentat", selon les séparatistes.

Les gardes-frontières ukrainiens disent que M. Bolotov a quitté l'Ukraine peu après et promettent de l'arrêter s'ils revient.

Face au bâtiment régional, saisi le mois dernier par les insurgés, les employés de l'administration locale poursuivent leur travail mais dans d'autres locaux.

"Ces gens n'ont pas été élus, ils n'ont aucune expérience", affirme Mykola Severine, journaliste dans l'un des journaux de l'administration régionale.

"Ils prennent des décisions mais finalement tout continue à fonctionner comme avant", ajoute-t-il.

Le gouverneur de la région, nommé par Kiev il y a peu, a disparu depuis quelques semaines pour raison de santé et son adjoint a fui Lougansk pour se réfugier à plus de 150 km de là dans une ville contrôlée par l'armée ukrainienne.

Dans les rues de la ville, quasiment aucun policier et les postes de contrôle à l'entrée de la ville sont tenus par des rebelles armés de kalachnikov.

"Nous ne contrôlons pas les hommes armés mais jusqu'ici ils ne nous contrôlent pas non plus", rappelle Olena Bugaïets, porte-parole du conseil régional.

Selon elle, dire que la région de Lougansk peut devenir un Etat indépendant et viable n'a aucun sens puisque la région reçoit davantage d'argent du pouvoir central qu'elle ne lui en verse.

Toufefois, "vu le grand nombre de personnes qui ont organisé le référendum et voté, il faut que le pouvoir central les écoute pour avoir une chance d'être de nouveau considéré comme légitime", ajoute-t-elle.

Pour l'instant, la confusion règne dans la région et semble largement partagée.

"Je ne comprends pas qui dirige la région", explique Lidia Petrova, une retraité qui tente de trouver un distributeur d'argent qui fonctionne encore. La plupart ne sont plus alimentés depuis plusieurs jours.

Si la "République" de Lougansk existe quelque part, c'est probablement sous les tentes occupées devant le bâtiment des services de sécurité.

Non loin de là, un groupe de femmes âgées est assis à l'ombre, une poignée de bretzels à la main.

"Ils disent que notre république est illégitime mais ils avaient seulement 1% de la population avec eux quand ils ont pris le pouvoir", affirme Valentina. "Plus d'un million de personnes ont voté pour notre république, donc dites-moi qui est illégitime?", ajoute-t-elle.

A ses côtés, Vassyl Bondar, un ouvrier acquiesce avec enthousiasme. "Ce sont eux qui ont créé leur propre pouvoir, nous nous avons eu notre référendum et créé notre république", estime-t-il en référence au gouvernement issu du mouvement de protestation de Maïdan à Kiev contre le président déchu Viktor Ianoukovitch.

"A plus les gars", sourit-il en s'adressant au lointaines autorités de Kiev. "Le train a déjà quitté la gare".

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