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Eprouvés par l'austérité, les Portugais tournent la page de la troïka

Eprouvés par l'austérité, les Portugais tournent la page de la troïka

Le Portugal deviendra samedi le deuxième pays sous assistance financière de la zone euro après l'Irlande à s'affranchir de la tutelle de ses créanciers, malgré la fragilité d'une reprise économique dont la population tarde à ressentir les effets.

Si la décision du gouvernement de sortir du plan de sauvetage sans filet de sécurité lui a valu les félicitations de ses partenaires européens, elle est loin de susciter l'enthousiasme des Portugais, durement éprouvés par trois années de sacrifices.

Frappé de plein fouet il y a trois ans par la crise de la dette qui avait déjà poussé la Grèce, puis l'Irlande à faire appel à la troïka (UE-FMI-BCE), le Portugal avait à son tour cessé de pouvoir se financer sur les marchés à des prix supportables.

Au bord de la faillite, le pays reçoit en mai 2011 un prêt de 78 milliards d'euros. En contrepartie, le gouvernement met en oeuvre une cure d'austérité sans précédent, assortie de coupes dans les salaires des fonctionnaires et les retraites et d'une hausse d'impôts de 30%.

Les remèdes de la troïka sont appliqués avec zèle par le gouvernement de centre droit, parfois trop: le jour où il veut imposer une hausse des cotisations sociales des salariés pour baisser celles des employeurs, la population se rebelle.

Des centaines de milliers de Portugais descendent dans la rue à l'automne 2012, écoeurés par ce qu'ils ressentent comme une injustice sociale. Le consensus autour de la rigueur est brisé, la rupture entre gouvernement et population consommée. Puis, la mobilisation s'effrite et fait place à la résignation.

Au printemps 2013, le Portugal sort de la récession, l'espoir renaît. "La reprise est là, nous avons des réserves financières pour un an, mais je sais que beaucoup de Portugais ne ressentent pas encore d'amélioration dans leur quotidien", a reconnu récemment le Premier ministre Pedro Passos Coelho.

Mais l'annonce surprise jeudi d'une rechute du Produit intérieur brut de 0,7% au premier trimestre a fait l'effet d'une douche froide, d'autant que ce sont les exportations qui s'essoufflent, principal moteur de l'économie portugaise.

Ruée des investisseurs, taux d'emprunt au plus bas, déficits sous contrôle, retour de la croissance après la pire récession depuis 1975, chiffres record du tourisme ... sur le papier, les voyants étaient pourtant repassés au vert ces derniers mois, donnant des arguments au gouvernement pour opter pour une sortie sans filet.

"Le gouvernement dit que l'économie va mieux, mais nous, on n'en voit pas la couleur. J'ai perdu mon emploi et à mon âge, j'ai peu de chances d'en retrouver", confie Antonio Silva, 55 ans, venu pointer au centre d'emploi de Conde Redondo à Lisbonne.

Mis à la porte le mois dernier, il touche désormais une allocation chômage de 420 euros par mois. Malgré la timide reprise de l'économie, les entreprises continuent à licencier.

Près d'un Portugais sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, disposant d'un revenu inférieur à 409 euros par mois. Le taux de chômage a certes fléchi, mais touche toujours 15,1% de la population active et jusqu'à 37,5% des jeunes.

Le recul du chômage, en trompe-l'oeil, est dû en grande partie à l'émigration, aussi importante que pendant les années 60. Quelque 300.000 Portugais ont quitté le pays entre 2011 et 2013, soit 6% de la population active.

L'intervention de la troïka a cependant arrêté l'hémorragie des comptes: depuis 2010, les déficits publics ont été divisés par deux pour passer à 4,9% en 2013. Mais la dette a continué à grimper, passant de 94% à 129% du PIB.

"La crise n'est pas terminée, car la maladie persiste, avec un endettement public et privé très élevé. Mais il y a eu des avancées importantes", estime Joao Luis César das Neves, professeur d'économie à l'Université catholique de Lisbonne.

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