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Nigeria: lycéennes contre islamistes, un marchandage possible selon des experts

Nigeria: lycéennes contre islamistes, un marchandage possible selon des experts

Un marchandage avec Boko Haram est-il toujours possible? Les autorités ne devraient pas exclure d'échanger les quelque 200 lycéennes enlevées au Nigeria contre des détenus islamistes, estiment des experts, une exigence formulée par le groupe armé mais aussitôt rejetée par le gouvernement.

Dans une nouvelle vidéo obtenue lundi par l'AFP, le chef de Boko Haram, Abubakar Shekau, a exigé la libération de prisonniers de son mouvement armé en échange de celle des jeunes filles, kidnappées mi-avril dans le nord-est du Nigeria et dont le sort suscite une vaste mobilisation internationale.

Cette demande a été rejetée par le pouvoir nigérian. Pour Abuja, les insurgés, qui ont fait plusieurs milliers de morts en cinq ans et revendiqué le rapt massif du 14 avril à Chibok, dans l'Etat de Borno (nord-est), ne sont pas à même de "poser leurs conditions".

Le professeur Shehu Sani, spécialiste de Boko Haram, avait déjà prévu dans un article la semaine dernière que les islamistes proposeraient un échange de ce genre.

"Un accord peut être trouvé avec les insurgés", affirme-t-il.

Officiellement, il n'y a jamais eu d'échanges de prisonniers pour obtenir la libération d'otages aux mains de Boko Haram, nigérians ou occidentaux. Même si des prisonniers de Boko Haram ont néanmoins déjà été élargis par les autorités.

Des otages occidentaux, la famille française Moulin-Fournier, enlevée en 2013 dans le nord du Cameroun voisin du Nigeria, et dont le rapt avait été revendiqué par Boko Haram, avaient été libérés grâce à des négociations.

Les autorités de plusieurs pays avaient alors nié tout dialogue avec Boko Haram, mais "il y a eu des négociations et une rançon a été payée" pour libérer la famille, assure Elizabeth Donnelly, du cercle de réflexion britannique Chatham House.

Les autorités nigérianes ont par le passé envoyé des messages contradictoires quant à la possibilité de dialoguer avec Boko Haram pour mettre fin à l'insurrection meurtrière lancée par le groupe islamiste depuis 2009.

Quelques mois après avoir exclu tout dialogue, le président Goodluck Jonathan a mis en place l'an dernier un comité chargé de négocier un cessez-le-feu, une offre ensuite rejetée par Shekau.

Le Nigeria s'est aussi livré à un rare exercice d'auto-critique en mars : reconnaissant que la force seule avait échoué, le conseiller national à la sécurité, Sambo Dasuki, avait dévoilé une série de mesures associant "la carotte et le bâton" pour lutter plus efficacement contre le groupe extrémiste.

Pour M. Sani, il existe trois catégories de prisonniers liés à Boko Haram : les dirigeants, les fantassins et les familles des membres du groupe. Selon lui, le gouvernement nigérian devrait libérer les familles détenues, "un geste" qui permettrait peut-être la libération des lycéennes.

L'armée nigériane a souvent été accusée par les organisations de défense des droits de l'Homme d'arrestations arbitraires de milliers de personnes suspectées d'appartenir à Boko Haram, dont des femmes et des enfants, et de les incarcérer dans des conditions très difficiles.

Pour Elizabeth Donnelly, un échange prisonniers contre otages "vaut le coup d'être envisagé".

Pour elle, il semble y avoir un changement d'attitude de la part de Shekau depuis la vidéo de lundi dernier, dans laquelle il promettait de "vendre" les lycéennes et de les traiter en "esclaves".

Cette fois-ci, il a évoqué la possibilité de leur libération, après celle de ses "frères" combattants détenus.

"Le côté flou de cette condition peut signifier que Boko Haram est en train de +reconsidérer sa position+", avance Mme Donnelly.

Boko Haram, qui a souvent pris pour cible des civils, donne l'impression d'agir "à l'aveugle", "mais il y a une partie de ce groupe qui est organisée et qui agit de façon stratégique", dit-elle.

L'ampleur de la mobilisation mondiale en faveur des lycéennes, qui ne cesse de grandir, peut aussi inciter Boko Haram à changer de position. Les islamistes sont peut-être en train de se rendre compte de la difficulté pratique à cacher 223 jeunes filles, alors qu'une opération de recherche sophistiquée est en train de se mettre en place, avec l'aide des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la France qui ont envoyé ces derniers jours des experts au Nigeria. Israël et la Chine ont aussi proposé leur aide.

"Il est possible qu'ils réalisent que leur stratégie n'était pas vraiment aboutie", suggère Mme Donnelly.

Pour M. Sani, le Nigeria doit rapidement mettre en place un comité, avec des personnalités musulmanes du Nord, pour réfléchir à la libération de détenus en lien avec Boko Haram, et formuler une offre.

Le gouvernement doit aussi travailler étroitement avec les acteurs de la société civile du Nord, qui ont déjà servi d'intermédiaires entre les autorités et Boko Haram, souligne Mme Donnelly.

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