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Zak, "traître" ou médiateur biculturel de Guantanamo

Zak, "traître" ou médiateur biculturel de Guantanamo

Zak ne donne jamais son nom de famille de peur de représailles. Le conseiller culturel d'origine jordanienne de la prison de Guantanamo, sorte de médiateur entre geôliers et détenus, ne mâche pas ses mots à l'encontre de ceux qu'il considère comme de dangereux islamistes.

"Les extrémistes continuent de discréditer les Etats-Unis à chaque fois qu'on respire, quoi qu'on fasse", affirme-t-il dans un entretien à l'AFP, dénonçant ces "semeurs de troubles" qui "travaillent dur pour convaincre" les autres.

Derrière son bureau, à quelques mètres seulement de celui du commandant des autorités militaires de Guantanamo, Zak, le "biculturel, le bilingue", ne cache pas son mépris pour ceux qui prétendent mener une guerre de religions au sein même de la prison.

"La religion est toujours utilisée comme une arme et comme un bouclier", explique ce musulman de nationalité américaine né en Jordanie il y a 56 ans.

"S'ils connaissaient seulement 1% de leur religion, ils ne seraient pas derrière les barreaux", ajoute-t-il.

Ce père de trois jeunes garçons, dont le dernier est né à Guantanamo, rencontre tous les jours les détenus de la prison, où 154 hommes sont toujours enfermés, certains depuis plus de douze ans, la plupart sans inculpation ni procès.

"Ce n'est pas notre travail à Gitmo de dire s'ils sont innocents ou coupables", dit-il calmement, "c'est à la justice de décider".

"Je ne m'intéresse pas à leur passé", admet-il, mais "quand ils ont été arrêtés, ils étaient quelque part, avec quelqu'un, ils savaient quelque chose, c'est pour cette raison qu'ils sont ici". Il compare leur arrestation à celle de témoins sur une scène de crime: "Comment les forces de l'ordre sauraient séparer le bon grain de l'ivraie?".

Les quelque 600 qui ont été rapatriés ou transférés dans un pays tiers depuis 2002 ne l'ont pas été "parce qu'ils étaient innocents", lance-t-il, "certains ont repris une vie normale mais beaucoup sont retournés au combat".

Depuis 2005, Zak travaille à Guantanamo comme "une passerelle, un médiateur qui aide les deux côtés à se comprendre et à mieux communiquer".

Employé civil de la force de coalition qui dirige la prison, il forme les gardiens et les personnels médicaux au mode de fonctionnement des prisonniers. Il les aide à mieux supporter les crachats, et les projections d'urine ou d'excréments, dont ils sont régulièrement la cible.

Mais du côté des détenus, il a beau leur parler en arabe, certains le "considèrent comme un traître", d'autres l'affublent de "noms insultants" en "criant et en hurlant".

Il participe à la sélection des livres pour les prisonniers, aide à la préparation du ramadan ou à temporiser les crises comme la récente grève de la faim.

"Il y a des détenus qui montrent par leur comportement que l'extrémisme recule, en assistant à des cours, en regardant la télé ou en écoutant la radio. Mais il y a toujours de l'extrémisme", a-t-il observé dans les camps 5 et 6, et rapporté aux autorités militaires.

"Ils disent que c'est une guerre au nom de leur pays, au nom de leur religion. C'est faux, et ils rendent fous les gardiens", par exemple en demandant le silence total quand ils prient. "Vous êtes déjà allés au Moyen-Orient? les voitures s'arrêtent de rouler au moment de l'appel à la prière?"

Pour lui, Guantanamo c'est "le lieu avec lequel le monde est injuste, car tout le monde croit ce que disent les détenus".

Alors il a fait le choix de taire son nom de famille et de ne pas montrer son visage "pour ne pas faciliter le travail des mauvais" lorsqu'ils voudront le trouver si, un jour, la prison venait à fermer.

"Je me protège, mais la crainte est toujours là".

chv/jca/mf

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