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Pakistan : l'opposition se mobilise contre la nouvelle loi antiterroriste

Pakistan : l'opposition se mobilise contre la nouvelle loi antiterroriste

Un nouveau projet musclé de loi antiterroriste divise la classe politique au Pakistan, l'opposition craignant un "Etat policier" et des atteintes aux libertés fondamentales dans un pays régulièrement frappé par des attentats islamistes ou sécessionnistes.

L'Assemblée nationale, contrôlée par la Ligue Musulmane (PML-N) du Premier ministre Nawaz Sharif, a adopté cette semaine la loi pour la protection du Pakistan (PPO), qui doit entre autres permettre à l'armée, et non plus uniquement à la police, d'arrêter sans mandat des personnes soupçonnées de terrorisme.

Le fardeau de la preuve reposera ainsi sur les épaules de la personne interpellée sans mandat. Celle-ci devra prouver qu'elle n'est pas liée à des activités terroristes ou impliquée dans des activités terroristes, et plus précisément "qu'elle n'est pas engagée dans une guerre ou une insurrection contre le Pakistan".

Et des "offenses sur internet", voire "la perturbation des transports publics" ou une manifestation pacifique peuvent tomber sous le coup de cette loi, dénoncent des organisations des droits de l'homme et des politiques.

"Le Pakistan va devenir un Etat policier", craint Farhatullah Babar, sénateur du Parti du peuple pakistanais (PPP, opposition). Le projet de loi, dit-il à l'AFP, ne définit pas clairement les "ennemis de l'Etat", car il oublie d'inclure les groupes menant à partir du Pakistan des attentats dans d'autres pays, comme les talibans afghans ou Al-Qaïda.

Depuis la création en 2007 du TTP, une coalition de factions islamistes armées en lutte contre le pouvoir pakistanais dont elle dénonce l'alignement sur la politique américaine, au moins 6.800 personnes ont été tuées dans des attentats au Pakistan.

Outre les insurgés islamistes, le pays est confronté à une rébellion sécessionniste dans la province gazière du Baloutchistan (sud-ouest), d'où l'intérêt des autorités à renforcer le pouvoir de l'armée, de la police et de la justice pour mater ou juger les personnes en lutte contre le pouvoir.

Les services de renseignement pakistanais y sont accusés par des organisations de défense des droits de l'homme d'avoir enlevé, détenu et torturé, s'abritant derrière la loi, des centaines, sinon des milliers, de personnes soupçonnées de liens avec la cause baloutche.

"Cette nouvelle loi légitimera ces disparitions forcées car le gouvernement ne sera plus tenu de dire où une personne est détenue, et cette personne n'aura pas accès à un avocat", déplore M. Babar.

"Les lois antiterroristes au Pakistan ne doivent pas être utilisées pour saper les droits fondamentaux", abonde Brad Adams, directeur pour l'Asie de Human Rights Watch (HRW). "Or la loi pour la protection du Pakistan, telle que rédigée, bafoue des droits inscrits dans la Constitution", souligne-t-il.

Pour Mustafa Qadri, spécialiste du Pakistan d'Amnesty International, cette loi pourrait ouvrir une boîte de Pandore "désastreuse pour la société".

Selon lui, "elle ne va pas améliorer la sécurité, et pourrait au contraire rendre la société encore plus violente qu'elle ne l'est".

Craignant aussi la dérive d'un "Etat policier", le Parti de la justice (PTI, opposition), formation de l'ancienne gloire du cricket Imran Khan, s'est engagé à porter le combat devant la Cour suprême pour invalider la loi. Mais une solution, plus simple, s'offre à l'opposition pakistanaise : bloquer son adoption au Sénat.

Au Pakistan, pays musulman héritier du système parlementaire britannique, le Sénat doit approuver les lois votées par l'Assemblée nationale. Or si la Ligue musulmane de Nawaz Sharif domine cette dernière, le PPP et ses alliés détiennent quant à eux la majorité au Sénat.

"Cette loi accorde une autorité illimitée aux forces de sécurité et à la police... Or il est possible qu'ils abusent de ce pouvoir et nous trouvons cela inacceptable", explique à l'AFP Mushahid Hussain Sayed, président du Comité du Sénat sur la Défense.

Ce sénateur, membre d'un petit parti d'opposition, a indiqué que des discussions avaient eu lieu avec les alliés du PPP au Sénat pour bloquer la loi. "Nous aurons la majorité pour la contrer", soutient-il.

Les sénateurs demanderont une série d'amendements à l'Assemblée nationale. Si le gouvernement refuse de céder, ce sera alors une "séance commune" des deux chambres qui se prononcera, estiment des sénateurs. Bref, la bataille ne fait que commencer....

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