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Sissi président, l'épilogue d'un coup de force en Egypte?

Sissi président, l'épilogue d'un coup de force en Egypte?

L'accession attendue à la présidence d'Abdel Fattah al-Sissi, l'ex-chef de l'armée qui a destitué l'islamiste Mohamed Morsi, devrait consacrer le retour d'un pouvoir autoritaire en Egypte en proie aux attentats et à une économie vacillante, estiment les experts.

Que ce soit en juillet dernier, lorsqu'il a destitué le seul président jamais élu démocratiquement du pays, ou mercredi soir, quand il a annoncé sa candidature à la magistrature suprême, le maréchal a affirmé répondre à la demande du peuple.

Celui qui était jusqu'à présent ministre de la Défense et vice-Premier ministre d'autorités intérimaires qu'il a lui-même installées entend profiter d'un plébiscite des Egyptiens désireux de mettre fin à trois années d'instabilité.

En effet, après la révolte qui chassa Hosni Moubarak du pouvoir dans le tumulte du Printemps arabe, 16 mois d'intérim assuré par une junte militaire conspuée par la rue et un an de présidence Morsi émaillée de crises et de violences, la grande majorité des quelque 85 millions d'Egyptiens n'aspirent plus désormais qu'à une chose: trouver l'homme à poigne qui pourra en finir avec le "chaos".

Et dans un pays exclusivement dirigé depuis 1952 par des militaires --à l'exception de Morsi--, l'homme fort se doit d'être issu de cette puissante institution. C'est d'ailleurs en uniforme de maréchal qu'Abdel Fattah al-Sissi a annoncé sa candidature, un treillis qu'il portait "pour la dernière fois", selon ses mots, car la Constitution n'autorise que les civils à briguer la présidence.

Mais même avec d'autres habits, la rhétorique reste inchangée, note Michele Dunne, du Carnegie Endowment for International Peace. "Je n'ai rien entendu dans ce premier discours qui suggère une inflexion dans la stratégie sécuritaire", affirme la chercheuse à l'AFP.

Une stratégie qui s'est déjà soldée par la mort de plus de 1.400 manifestants pro-Morsi, violemment réprimés par soldats et policiers, eux-mêmes cibles d'attaques meurtrières désormais quotidiennes menées par des groupes islamistes radicaux.

Et, sous les approbations d'une population chauffée à blanc par des médias unanimes dans leur dénonciation des Frères musulmans, les nouvelles autorités ont arrêté plus de 15.000 personnes, jugées par centaines dans des procès de plus en plus importants, selon des responsables de la police.

"Si la répression se poursuit et qu'il y a des morts toutes les semaines, il sera difficile, peut-être même impossible, de restaurer la stabilité et de remettre l'économie sur pied", estime Mme Dunne, alors que l'Egypte, désertée par les touristes, survit déjà grâce aux substantielles aides venues de pays du Golfe en soutien au nouveau pouvoir.

Par ailleurs, "si les violations des droits de l'Homme et les attaques d'islamistes radicaux contre les forces de l'ordre ne sont pas une nouveauté en Egypte, elles ont atteint un niveau jamais égalé depuis l'éviction de M. Morsi, affirme Mme Dunne, pour qui "les droits de l'Homme sont bien moins respectés maintenant que sous Moubarak".

Et avec un pouvoir et une opposition islamiste déterminés à ne faire aucun compromis --les Frères musulmans ont déjà assuré qu'il n'y aurait "ni stabilité ni sécurité sous une présidence Sissi"--, le cycle des violences pourrait se poursuivre, ainsi que les pratiques héritées de l'ancien régime, même si M. Sissi a promis qu'il ne permettrait jamais un retour à "l'ère Moubarak".

Si la poursuite des violences pourrait empêcher Sissi de tenir ses promesses économiques, elle ne devrait toutefois pas entamer son impressionnante popularité de sitôt, note Shadi Hamid, spécialiste de l'Egypte au sein du Brookings Institution.

Mais, "s'il ne tient pas ses promesses, et ce sera sûrement le cas, alors il devra recourir à des mesures répressives" face à la grogne sociale, ajoute le chercheur.

Dans l'immédiat, note Andrew Hammond, expert au sein du European Council on Foreign Relations, dans le pays en proie à l'instabilité, "une fois de plus, la république militaire née en 1952 est de retour avec la même logique: l'idée que l'armée est l'institution à même de défendre l'Etat".

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