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La marine ukrainienne en Crimée en fin de vie

La marine ukrainienne en Crimée en fin de vie

Les remorqueurs sont arrivés au coucher du soleil, avec une trentaine de marins et miliciens pro-russes qui sont montés à bord de la corvette Ternopil et ont dit à l'équipage de libérer les lieux.

Débarqués à Sébastopol, les 91 marins disposés en rangs ont entendu leur capitaine les remercier et leur dire qu'ils étaient libres de s'en aller.

L'un des soldats qui ont capitulé, âgé de 22 ans et qui a préféré garder l'anonymat, a déclaré à l'AFP qu'il se retrouvait maintenant bloqué à Sébastopol, sans emploi et risquant d'être poursuivi en justice chez lui en Ukraine.

"J'avais des projets ici, je voulais rester en Crimée et aller à l'université", a dit le jeune homme qui avait servi pendant deux ans dans la marine.

"Le destin d'un homme peut changer en quelques heures", a-t-il dit. La Crimée est devenue de facto un territoire russe et son navire était aux mains de l'ennemi.

"Certains de nos gars ont pleuré en quittant le bateau", a-t-il ajouté.

L'un après l'autre, les navires de la flotte ukrainienne en Crimée mettent pavillon bas et les derniers qui résistent encore sont assiégés par les forces russes, appuyées par une population hostile aux autorités de Kiev.

Vendredi, la corvette Ternopil était déjà à l'ancre à côté d'un navire de la flotte russe de la mer Noire avec à son mât le pavillon blanc-bleu de la marine russe.

Le navire de commandement Slavoutitch, qui battait toujours pavillon ukrainien vendredi, restait en territoire "ennemi" et l'accès à son mouillage était bloqué par les militaires russes et les miliciens pro-russes.

Après l'occupation par les Russes du QG de la marine à Sébastopol - et l'interpellation de son commandant en chef, le contre-amiral Serguiï Gaïdouk, conduit à la frontière, les officiers encore présents en Crimée ont coupé leurs téléphones.

A l'Académie navale de la mer Noire, le drapeau ukrainien a été amené et le commandant de la flotte russe Alexander Vitko a averti les officiers qu'un nouveau chef allait être nommé, suivant les instructions du président Vladimir Poutine.

Mais, alors que la cérémonie de passation des pouvoirs touchait à sa fin, un groupe d'étudiants a entonné avec un air de défi l'hymne national ukrainien, avant de regagner le bâtiment, selon des vidéos tournées par des témoins de la scène.

Pour le marin de la Ternopil, c'était maintenant chacun pour soi.

"Je ne blâme pas les Russes", a-t-il dit. "Nous avons été abandonnés par notre gouvernement".

Pendant des semaines, la Ternopil n'a reçu aucun ordre de Kiev et la corvette n'a pas ouvert le feu sur les assaillants russes parce que le capitaine "ne voulait pas commencer la guerre".

Les nouvelles autorités pro-russes ont invité les marins et les militaires à tourner casaque et rejoindre les forces armées russes.

Le maire de Sébastopol Serguiï Tchali a déclaré jeudi que les militaires ukrainiens pouvaient venir s'enregistrer et soit quitter la Crimée pour continuer leur service sur d'autres bases en Ukraine, soit recevoir leur solde pendant trois mois encore avant de décider de quitter l'armée ou de servir la Russie.

Plusieurs dizaines ont répondu présent vendredi, venant s'inscrire au siège de la milice pro-russe, entouré de barbelés et de sacs de sable, dans un faubourg de Sébastopol.

Le jeune marin de la corvette n'avait pas l'intention de rempiler.

"Si je reste dans la marine russe, il vont m'envoyer aussi loin de l'Ukraine que possible", a-t-il expliqué. Toute sa famille est en Ukraine et il n'a pas envie d'être poursuivi pour désertion. Il préférerait plutôt émigrer en Europe.

Mais Maxime, un jeune homme qui fait la queue à l'extérieur, souhaite servir la Russie maintenant.

Etudiant de médecine voulant obtenir un poste dans l'armée et ayant servi sous contrat dans les troupes ukrainiennes du ministère de l'Intérieur, il reconnaît avoir un sentiment de culpabilité après avoir changé de bord.

"Mais, dit-il, je suis médecin d'abord et soldat ensuite, et le serment d'Hippocrate est prêté aux gens, non à un gouvernement".

Il a servi pendant trois mois à Kiev, du côté de la police antiémeute, face aux opposants du Maïdan.

"On nous frappait, on nous insultait", raconte-t-il. "Seul un imbécile n'aurait pas peur là-bas".

"Après cette expérience, je ne veux plus servir Kiev".

ma/dt/via/pt

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