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Après l'attaque du Serena à Kaboul, des questions et de la douleur

Après l'attaque du Serena à Kaboul, des questions et de la douleur

Les autorités afghanes tentaient samedi de comprendre comment quatre individus armés ont réussi à s'introduire dans le Serena, un hôtel de luxe de Kaboul pourtant réputé pour sa sécurité, afin d'y semer la mort, abattant neuf personnes, dont un journaliste de l'AFP.

L'attaque, revendiquée par les talibans, a eu lieu jeudi vers 20H30 dans un restaurant de l'hôtel, pendant que certains clients célébraient Norouz, le Nouvel an afghan, à deux semaines du premier tour de la présidentielle afghane, le 5 avril.

Neuf personnes y ont trouvé la mort, dont deux Canadiennes travaillant pour la fondation Agha Khan et un Paraguayen oeuvrant pour l'organisme américain NDI, ainsi que le journaliste de l'Agence France-Presse Sardar Ahmad, sa femme et deux de ses enfants. Le troisième enfant du couple, un jeune garçon, était toujours samedi dans un état critique.

Vu de l'extérieur, ce vaste établissement de 177 chambres ressemble davantage à une forteresse qu'à un hôtel de luxe : une grande enceinte protège l'entrée principale, et il faut passer par une fouille, puis un portique de sécurité avec scanner, pour y pénétrer.

Comment, dans ces conditions, de jeunes hommes armés ont-ils pu s'y introduire ? Ont-ils bénéficié de la complicité d'un employé de l'hôtel ? S'agit-il d'une faille dans le dispositif de sécurité de l'établissement ?

En tous les cas, il s'agit d'une attaque "très sophistiquée", a déclaré samedi à l'AFP le porte-parole du ministère afghan de l'Intérieur, Sediq Sediqqi.

"Nous avons ouvert une vaste enquête", avec l'appui des services secrets afghans, a-t-il assuré, tout en précisant qu'aucune découverte majeure n'avait encore été faite.

Près de quarante-huit heures après le drame, les premiers récits de l'attaque ont révélé toute l'horreur de cette équipée sanglante.

Après avoir pénétré dans l'hôtel, les quatre kamikazes se sont d'abord cachés dans des toilettes, attendant vraisemblablement que la salle du restaurant se remplisse.

Ils se sont ensuite retrouvés dans le hall de l'établissement et se sont dirigés vers le restaurant, a expliqué le vice-ministre afghan de l'Intérieur, Mohammad Ayoub Salangi, sur la base d'images enregistrées par les caméras de sécurité.

"Ils se sont arrêtés un instant pour sortir et charger les pistolets qu'ils avaient cachés dans leurs chaussures et leurs chaussettes, puis ils sont entrés dans le restaurant", ouvrant le feu sur un parlementaire afghan, a-t-il ajouté.

"Quand un autre parlementaire, Farhad Sediqi, a vu ce qui se passait, il a lancé son plateau chargé de plats sur les assaillants et a réussi à s'enfuir", a poursuivi M. Salangi.

"Sardar et sa famille se trouvaient dans un coin de la salle, ils n'avaient aucune chance de s'échapper", a-t-il souligné.

L'assaut s'est terminé lorsque les insurgés ont été abattus par les forces afghanes.

Reporter afghan de 40 ans, Sardar Ahmad était un pilier du bureau de l'AFP à Kaboul, pour lequel il travaillait depuis 2003.

Ses funérailles et celles de sa femme, de sa fille de six ans et de son fils de trois ans seront organisées dimanche en présence de sa famille et de ses proches.

La mort de Sardar Ahmad a provoqué une vive émotion parmi les journalistes, afghans comme étrangers, présents en Afghanistan. Les hommages continuaient par ailleurs à affluer du monde entier pour saluer la mémoire de ce journaliste connu pour sa précision, sa droiture, sa passion et sa joie de vivre.

En réaction à l'attaque, un collectif de journalistes afghans a décidé de boycotter toutes déclarations des talibans sur une période de 15 jours.

"Tué dans l'exercice de son métier", c'"était un journaliste passionné et attaché à relater avec finesse et intelligence la complexité de la situation afghane", a déclaré le président français François Hollande dans un courrier adressé au PDG de l'AFP, Emmanuel Hoog.

Le secrétaire d'État américain John Kerry a adressé ses condoléances à la famille de Sardar Ahmad, et le chef de la diplomatie canadienne John Baird a dénoncé une attaque qui "ne fait que fortifier notre détermination à combattre ce fléau qu'est le terrorisme, sous toutes ses formes".

Samedi, le président Hamid Karzaï a appelé la jeunesse afghane à défier les talibans, et la barbarie de cette tragédie, en oeuvrant pour offrir un avenir meilleur à l'Afghanistan.

"Ces deux enfants, nos deux enfants, qui ont été tués avant-hier par des terroristes (...) seraient heureux de voir que des millions d'enfants vont à l'école avec le sourire", a-t-il déclaré.

Le chef de l'État afghan a toutefois essuyé les critiques d'un neveu de Sardar Ahmad, Torak Mohammad, qui lui a reproché d'avoir présenté les rebelles islamistes comme ses "frères" dans une interview récemment accordée au journal britannique The Sunday Times.

"Si M. Karzaï appelle les talibans ses frères, il devrait venir dans notre maison, voir les quatre cercueils, voir les corps des enfants", a-t-il dit au cours d'une conférence de presse à Kaboul.

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