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Ukraine: une armée de citoyens mobilisée sur le front des médias

Ukraine: une armée de citoyens mobilisée sur le front des médias

Pendant que soldats ukrainiens et forces pro-russes se font face en Crimée, des centaines d'Ukrainiens se mobilisent sur un autre front: les médias et l'information.

Journalistes, publicitaires, étudiants, ils se sont portés volontaires pour répondre à ce qu'ils considèrent comme une véritable guerre de propagande livrée contre leur pays par la Russie, accusée de tromper le public avec ses agences de presse et chaînes de télé publiques très écoutées.

"L'Ukraine perd la guerre engagée dans les médias. Les Russes désinforment consciemment et délibérément la communauté internationale", affirme Iaryna Klioutchkovska, l'une des coordinatrices du "Centre de presse de crise", établi récemment à Kiev.

"Notre arme, c'est l'information. (...). Nous devons nous mobiliser pour offrir un contrepoids", renchérit sa collègue Oxana Melnytchouk.

Au deuxième étage de l'hôtel Ukraine qui surplombe le Maïdan et accueille depuis quatre mois des envoyés spéciaux du monde entier, ce centre de presse créé par des communicants organise quotidiennement des conférences de presse avec ministres et diplomates occidentaux. Il publie aussi des analyses afin de contrer le point de vue de Moscou.

Un autre groupe de journalistes et d'étudiants a créé le site de "fact checking" StopFake.org, dont les centaines de volontaires vérifient --et corrigent-- les affirmations des responsables politiques et les informations diffusées par les médias.

Ces deux organisations ont attiré une large audience dans les réseaux sociaux, à la manière du compte EuromaidanPR devenu sur Facebook et Twitter la voix officielle du mouvement de protestation qui a abouti à la fuite du président Viktor Ianoukovitch.

Evguen Fedtchenko, directeur de l'école de journalisme Kiev Mohyla et l'un des animateurs de StopFake.org, souligne que l'objectif du site est de combler "le vide total d'information" de la part des nouvelles autorités ukrainiennes, aux commandes depuis moins d'un mois.

Ses volontaires tentent notamment de démonter les accusations des médias russes selon lesquelles le pays est livré aux extrémistes et aux "nazis" ou de détecter des détournements d'images censées démontrer l'existence de tensions dans certains lieux alors qu'elles ont été tournées ailleurs.

"Ce n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan mais il est important que les gens en Ukraine, en Russie et en Occident reçoivent le bon message", estime M. Fedtchenko.

Signe que l'information reste un sujet sensible en Ukraine, plusieurs députés du parti nationaliste Svoboda, qui participe au gouvernement de transition, ont brutalisé mardi le patron de la télévision publique, lui reprochant les mensonges diffusés selon eux sur ses antennes pendant le mouvement de contestation, et le forçant à démissionner.

"On parle aujourd'hui de plus de cent Ukrainiens tués par des armes automatiques (le 20 février à Kiev - ndlr) mais on continue de tuer des Ukrainiens à l'aide de l'arme de l'information, et ils sont des milliers", s'est justifié l'un des élus, Igor Mirochnytchenko, confronté à une vague d'indignation y compris dans son propre camp.

Ni le centre de presse de crise ni StopFake.org ne reçoivent de financement des autorités. Ils fonctionnent à l'aide des contributions de particuliers et d'entreprises qui fournissent ordinateurs, télévisions ou tout simplement apportent du café pour soutenir les volontaires.

"Nous ne sommes pas payés un centime mais nous sommes des patriotes", assure Serguiï Maliartchouk, qui coordonne le travail des traducteurs du Centre de presse de crise.

"La guerre, c'est la guerre. Il n'y a pas de questions à se poser: il y a un besoin, on s'y met", renchérit Iaryna Klioutchkovska.

StopFake.org bénéficie aussi de l'aide d'internautes du monde entier et reçoit chaque jour 100 alertes sur des informations à corriger. De plus en plus fréquemment, elles viennent des Ukrainiens des régions russophones, souvent influencés par les médias loyaux au Kremlin, et même de Russie.

La petite armée de volontaires se dit prête à rester mobilisée pendant longtemps. "Cela n'a pas commencé avec la Crimée et cela ne va pas s'arrêter avec la Crimée", estime M. Fedtchenko. "Ce que nous faisons restera nécessaire pendant des années".

ssw/gmo/via/phv

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