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En Afrique du Sud, escalade des manifestations violentes pour les services de base

En Afrique du Sud, escalade des manifestations violentes pour les services de base

Les manifestations violentes en Afrique du Sud pour les services de base - logement, eau, éclairage - sont en hausse constante depuis une décennie en raison du chômage et cela ira en continuant, estiment les experts.

En 2012 et 2013, sur 30 manifestations par jour en moyenne, cinq étaient violentes, soit 89% de hausse sur quatre ans, observe Johan Burger, de l'Institut des études de sécurité (ISS) de Pretoria, lors d'un séminaire cette semaine sur le sujet.

"Ce sont les chiffres de la police. Si on prend d'autres sources, la tendance à la hausse est la même", dit-il.

Selon les mois, l'Afrique du Sud connaît des pics de manifestations, comme en juillet 2009 après les dernières élections nationales, ou en avril 2011 avant les municipales.

Cette année, des élections nationales sont prévues le 7 mai. En janvier et février, il y a eu 876 manifestations, mais proportionnellement avec plus d'incidents violents (45%).

Par violences, on entend principalement (45%) des barricades et feux de pneus, explique le sociologue Peter Alexander. Cela inclut aussi des atteintes aux véhicules et pillages, notamment d'échoppes tenues par des immigrés.

Ces scènes de quasi-émeutes, réminiscences des heures de lutte contre le régime d'apartheid dans les townships noirs, passent souvent inaperçues, ne serait le nombre croissant de manifestants tués par la police.

Trois morts en 2009 et trois en 2010, neuf en 2011, cinq en 2012 (abstraction faite des 34 mineurs de Marikana), 11 en 2013 et déjà 7 en 2014, selon le décompte de M. Alexander.

Ces bavures s'expliquent en partie par la gestion gouvernementale des policiers formés au maintien de l'ordre depuis 2004.

Une restructuration drastique avait diminué les effectifs de plus de moitié en 2006, avant que le gouvernement n'inverse la vapeur après les violences xénophobes de 2008 - l'armée avait dû intervenir - et ne fasse remonter l'effectif à 4.700 policiers spécialisés aujourd'hui - il en voudrait 9.000, mais n'a pas précisé le délai.

"Cela va dans la bonne direction", estime M. Burger.

Mais les agents sont de plus en plus nombreux à refuser d'intégrer ces unités au travail ingrat, critiqué et incarnant le seul visage de l'autorité contre lequel les riverains peuvent retourner leur colère.

Le phénomène s'inscrit dans une tendance mondiale à la progression des manifestations depuis le début de la crise économique en 2008. En Afrique du Sud, l'économie tourne depuis au ralenti et le chômage, déjà structurel, affecte de 24 à près de 40% des actifs, selon les chiffres officiels.

"A mon sens, les manifestations et le niveau de violence vont continuer à augmenter, car le gouvernement ne semble pas entendre. Ils sont dans le déni", juge M. Burger, en écho à un récent discours du président Jacob Zuma.

Sur le terrain, les conditions de vie sont "si effroyables qu'on se demande plutôt pourquoi les gens ne manifestent pas plus", enchaîne M. Alexander. "La question du chômage est cruciale pour comprendre. (...) La plupart des manifestants sont des chômeurs".

La plupart du temps aussi, dit-il, les gens ont tout essayé en vain avant que ça dérape: lettres, réunions, mémorandum aux autorités, rassemblement pacifique. Tandis que les exigences administratives pour organiser une manifestation légale, dont la police pourrait identifier les leaders avec lesquels négocier, sont devenues dissuasives.

Il y a en Afrique du Sud "une culture de la manifestation qui remonte à la culture de résistance contre l'apartheid", relève par ailleurs Abrahim Fakir, de l'Institut électoral pour une démocratie durable en Afrique.

A part une lune de miel de trois ans après l'élection de Nelson Mandela en 1994, cela n'avait jamais cessé. Dès 1998, les manifestations avaient repris à Soweto pour l'électricité, et à Durban contre les évictions forcées dans les bidonvilles.

"Ces manifestations sont spontanées, quand bien même avec un certain degré d'organisation", dit-il, et "elles n'ont pas le pouvoir d'affecter la stabilité générale du pays, ni les élections": elles ont seulement perturbé l'inscription sur les listes électorales et pourraient doper l'abstentionnisme. "Mais pour combien de temps?", s'interroge M. Fakir.

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