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Le vent russe souffle sur le port de Sébastopol en Crimée

Le vent russe souffle sur le port de Sébastopol en Crimée

Le drapeau ukrainien n'a jamais beaucoup flotté sur Sébastopol et son port, base navale russe depuis la marine des tsars. Ses habitants qui regardent vers Moscou espèrent le remplacer bientôt par les trois couleurs du drapeau russe.

Dans cette ville de 350.000 habitants où places et avenues portent les noms de héros de la guerre de Crimée de 1853 ou de l'Union soviétique, l'indépendance ukrainienne en 1991 a été vécue comme un traumatisme que le référendum prévu le 16 mars sur un rattachement à la Russie, dénoncé comme illégal par Kiev, devrait apaiser.

Le 23 février, voyant à la télévision le régime pro-Kremlin de Viktor Inaoukovitch renversé par la rue, des dizaines de milliers d'habitants de la ville, peuplée de Russes à plus de 70%, se sont rassemblés sur la place principale pour y désigner par acclamation un homme d'affaires proche de Moscou, Alekseï Tchaly, comme leur nouveau maire.

Ivan Komelov fait partie de son équipe. "Les citoyens de Sébastopol ont décidé de couper tous les ponts avec les voyous, les criminels et les nazis qui se sont emparés du pouvoir à Kiev", assure-t-il à l'AFP. "Le référendum va leur donner la parole et l'issue du vote ne fait aucun doute pour personne".

"Pendant ses 23 ans d'indépendance, l'Ukraine n'a jamais rien fait pour nous. Kiev a pris notre argent et c'est tout. Quand le peuple de Sébastopol se sera exprimé nous espérons que la mère Russie répondra à notre appel et nous accueillera en son sein", dit-il.

Alekseï Tchaly, qui a fait fortune dans l'industrie électrique, est connu dans la ville pour avoir notamment financé la reconstruction de monuments à la mémoire des héros russes et soviétiques. Recevant en 2011 une décoration à Moscou, il s'était écrié, dans un discours qui l'a rendu célèbre: "Le destin de Sébastopol, c'est ma douleur (...) Et je répète les mots de Vladimir Kornilov (héros de la guerre de Crimée) : battez-vous pour Sébastopol !".

Samedi soir, cette injonction guerrière figure en grosses lettres sur la scène montée place Kornilov où un meeting pro-russe, avec la chanteuse Nadejda Babkina, se tient en fin d'après-midi. En costume folklorique, grande robe colorée qu'elle fait tourner, châle brodé et kokochnik (coiffe traditionnelle) brodée de perles, elle chante et danse avec une troupe des hymnes à la grandeur russe que le public ponctue de "Russie ! Russie !"

Pour y assister Pavel Filipov, 47 ans, a enfilé son bel anorak rouge brodé "Equipe nationale de Russie", écrit en anglais. "J'attends ce moment depuis des décennies", dit-il. "Nous rentrons chez nous, le vote sera pour la Russie à 100% ici".

Sa femme Olga, 46 ans, se souvient de l'époque soviétique où la ville et ses environs, base militaire secrète, était fermée aux étrangers. "On vivait en paix et en sécurité, la clef sous le paillasson. Les enfants pouvaient jouer dehors. C'était bien".

Pour reconquérir la ville tombée aux mains de l'armée allemande en 1942 au terme d'un siège et de bombardements qui l'ont pratiquement rasée, l'armée Rouge avait perdu plus de 250.000 hommes. Ce sacrifice a valu à Sébastopol le titre rare de "ville héros" de l'Union Soviétique et une reconstruction par Staline où les monuments mémoriaux et les bâtiments majestueux s'alignent, avec les statues, sur la corniche surplombant le port.

Les boutiques pour touristes vendent des marinières aux couleurs de la "glorieuse flotte russe", des magnets en forme de sous-marins ou de destroyers aux couleurs de Moscou, des souvenirs de l'Armée Rouge. Le bleu et jaune du drapeau ukrainien n'est visible nulle part.

Sur un banc dans un petit parc, Anna et Larissa, deux sexagénaires aux dents en or et en acier, s'abritent du crachin sous leurs parapluies. Elles vont voter le 16 mars, "et avec joie" dit Anna, qui préfère ne révéler que son prénom. "Cette ville a toujours été russe, malgré tous les discours, nous n'avons jamais fait partie de l'Ukraine. Comme une greffe qui n'aurait jamais pris. Nous étions ukrainiennes sur le papier seulement. Ici, c'est la Russie. Nous retournons à la maison".

Ivan Komelov, qui se présente comme "consultant", ajoute: "L'Ukraine est un pays très pauvre. Pour nous, tout ira beaucoup mieux quand notre monnaie sera le rouble. La Russie est un pays riche et puissant, ce que l'Ukraine ne sera jamais. Les Ukrainiens vivant ici qui ne seraient pas d'accord pourront toujours rester, bien entendu. Comme des étrangers vivant en Russie".

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