Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Ukraine ou Russie ? Sur la place Lénine, débats tendus sur l'avenir de Donetsk

Ukraine ou Russie ? Sur la place Lénine, débats tendus sur l'avenir de Donetsk

Le ton monte au sein de l'attroupement au pied de la statue de Lénine dans le centre de Donetsk, fief russophone de l'Est de l'Ukraine. "Seule la Russie peut nous aider pour que nos droits ne soient pas traînés dans la boue !", tranche Natalia.

Pour cette employée de salon de beauté, aucun doute : "Il faut un référendum" pour décider de l'avenir du Donbass, le bassin minier frontalier de la Russie, dont Donetsk est la capitale.

La région, dont est originaire le président déchu Viktor Ianoukovitch, est agitée depuis sa fuite en Russie par de vives tensions entre pro-russes et défenseurs de l'unité de l'Ukraine, au risque pour certains de suivre le chemin de la Crimée.

Les partisans d'un ralliement à Moscou ont occupé pendant trois jours l'administration régionale et y ont hissé le drapeau russe blanc bleu rouge, avant d'être délogés par la police jeudi au petit matin. Des manifestations concurrentes des deux camps ont réuni des milliers de personnes, tournant mercredi soir à la bagarre générale.

Sur la place Lénine, les pro-russes ont installé quelques chapiteaux, hissé le drapeau rouge soviétique, arborant faucille et marteau, sous lequel plusieurs dizaines de personnes étaient rassemblées tout au long de la journée en attendant une grande manifestation samedi.

"Après tout ce qui s'est passé, je regarde la télé et je me dis : il faut faire sécession !", tempête une quadragénaire, qui préfère ne pas donner son nom. "Je ne veux pas vivre avec des fascistes", explique-t-elle, reprenant la rhétorique de Moscou pour désigner le nouveau pouvoir à Kiev, soutenu par le parti nationaliste Svoboda (Liberté) ou encore le groupe radical Pravy Sektor (Secteur droit).

L'air timide, Lioubov, retraitée originaire de Russie et installée à Donetsk depuis 1972, s'approche.

"A quoi bon rejoindre la Russie ?" demande-t-elle d'une petite voix. "Nous vivons ici depuis tant d'années, j'ai des enfants, des petits-enfants, des arrières-petits-enfants, nous sommes pour l'Ukraine. La Russie est notre voisin, et c'est tout", poursuit-elle.

Les manifestants la prennent aussitôt à partie. "Vous voulez quoi, l'Amérique ?" "On vous a payé combien pour dire çà ?".

Alexeï Korpous, qui se présente comme le "commandant" du petit campement, reconnaît qu'un ralliement pur et simple à la Russie, dont la frontière se trouve à quelques dizaines de kilomètres, serait compliqué mais réclame un référendum sur le statut de la région. "Nous voulons davantage de fédéralisme", explique l'homme de 33 ans, qui dit craindre "l'anarchie comme dans l'ouest" du pays.

Signe que les autorités prennent la menace au sérieux, la justice a ouvert une enquête sur l'"atteinte à l'intégrité nationale" contre Pavel Goubarev, un homme d'affaires local propulsé leader des pro-russes, au même titre que les dirigeants de Crimée qui ont demandé le rattachement à Moscou. Il a été arrêté jeudi et risque dix ans de prison.

Serguiï Tarouta, un homme d'affaires nommé gouverneur par les nouvelles autorités de Kiev, a réuni vendredi les représentants de la société civile, qui ont adopté un texte appelant à "une Ukraine indivisible".

A l'issue d'une semaine agitée, le premier adjoint au maire de Donetsk, Sergueï Bogatchev, voit des "signes de stabilisation" grâce à l'arrestation du leader pro-russe. "Mais il conserve des partisans en ville", ajoute-t-il, interrogé par l'AFP.

L'élu estime que le mouvement séparatiste est mené par "un petit groupe" avec "une influence évidente" de Moscou.

A quelques centaines de mètres de la place Lénine, l'administration régionale est désormais encerclée par un cordon de policiers antiémeute pour éviter un nouvel assaut, auxquels font face une centaine de manifestants, pour la plupart pro-russes.

Là aussi, les échanges sont tendus.

Ivan Khitriï, retraité de 75 ans, tient une feuille de papier : "Poutine : ne détruis pas l'Ukraine, rend la Crimée à l'Ukraine". "Rejoindre la Russie, cela signifie la ruine, revenir des siècles en arrière, je ne vois pas comment le dire autrement", explique-t-il.

Une femme s'approche, lui prend des mains sa pancarte improvisée et la déchire. Il s'emporte: "Vous n'avez pas le droit, cela m'appartient!" La dame désigne le siège imposant de l'administration régionale : "Cela aussi nous appartient, et on ne nous le donne pas".

gmo/kat/sym

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.