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Ukraine: l'embarras de Pékin illustre ses tâtonnements sur la scène mondiale (analystes)

Ukraine: l'embarras de Pékin illustre ses tâtonnements sur la scène mondiale (analystes)

Les atermoiements et déclarations confuses de Pékin sur la crise ukrainienne sont une illustration des tâtonnements persistants de sa diplomatie sur la scène mondiale, malgré son ambition d'y jouer un rôle accru, estiment des experts.

"Bienvenue dans le monde réel! La Chine a désormais des intérêts partout, mais il lui manque une stratégie d'ensemble, elle n'est pas un acteur mondial qui prend des initiatives et les concrétise", souligne Kenneth Lieberthal, expert de la Brookings Institution à Washington.

Alors que Pékin passe activement des accords commerciaux en Afrique et ailleurs, son dynamisme et ses objectifs se réduisent souvent à la portion congrue dès lors que ses intérêts ne sont pas directement concernés.

La Chine laisse ainsi volontiers la Russie --allié et membre permanent comme elle du Conseil de sécurité de l'ONU-- à la manoeuvre sur des dossiers comme le conflit syrien.

Face aux grandes crises internationales, sa position est flottante et le ministère chinois des Affaires étrangères répète souvent les mêmes expressions imprécises: "appel au calme" et "à la retenue", "nécessité d'une solution politique".

Mais en dépit de ses réticences, la Chine n'a plus le choix, estime M. Lieberthal: "L'étendue de ses intérêts de par le monde l'oblige à aller au-delà de ces déclarations très générales. Elle doit s'engager, contribuer à la sécurité, élaborer des plans d'urgence", estime-t-il.

La crise ukrainienne et le contrôle de la Crimée par des forces russes représentent cependant un dilemme pour Pékin, qui s'est retrouvé pris en étau entre son soutien habituel à Moscou et son opposition traditionnelle à toute intervention militaire dans un pays tiers.

La Chine cherche activement ses dernières années à renforcer ses liens avec son voisin russe, partenaire stratégique et important fournisseur d'hydrocarbures.

Or la Chine défend aussi de façon véhémente le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, se montrant elle-même désireuse de décourager tout soutien extérieur aux dissidents et minorités ethniques (Tibétains ou Ouïghours) sur son propre sol.

"La Chine respecte l'indépendance, la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine", a insisté cette semaine sur son site internet le ministère des Affaires étrangères. Mais il ajoutait aussitôt: "Il y a des raisons qui expliquent la situation actuelle". "La Chine prend aussi en compte l'histoire et les complexités du problème ukrainien", a renchéri un porte-parole.

"C'est un cas très épineux pour Pékin, qui en vient à faire des déclarations alambiquées que personne ne peut comprendre clairement", commente Niu Jun, professeur en géopolitique à l'Université de Pékin.

Au risque d'encourager les malentendus: après un entretien téléphonique lundi des chefs de la diplomatie russe et chinois, Moscou a fait état d'une "large concordance de vues sur l'Ukraine", tandis que Pékin se contentait d'indiquer que les deux ministres s'étaient simplement accordés sur le besoin d'"un règlement convenable".

Et la Chine semble peu encline à dissiper les ambiguïtés: le conseiller d'Etat Yang Jiechi a déclaré jeudi qu'une résolution de la crise "devrait pleinement tenir compte des droits légitimes des Ukrainiens"... sans préciser à quoi il faisait référence.

Avec 11 milliards de dollars de commerce bilatéral en 2013, l'Ukraine n'est pas aux yeux de la Chine un partenaire commercial majeur.

Les atermoiements récurrents de Pékin sur la scène mondiale contrastent avec son ambition affichée d'y acquérir une influence accrue, à la hauteur de son statut de deuxième économie mondiale et de son histoire pluri-millénaire.

Notamment poussée par la volonté de sécuriser ses approvisionnements en matières premières, la Chine étend rapidement sa présence au Moyen-Orient, en Afrique et en Amérique latine, et jusqu'en Irak ou Afghanistan.

Et cette dynamique renforce la pression sur la Chine pour qu'elle protège mieux ses lignes de transports de fret, ainsi que les entreprises et travailleurs chinois à l'étranger.

Pékin commence d'ailleurs à reconnaître les avantages qu'il y a à s'engager plus étroitement à l'étranger, souligne Jia Qingguo, professeur d'études internationales à l'Université de Pékin.

Le pays s'était ainsi demandé s'il n'aurait pu contribuer à éviter une transition sanglante en Libye en 2011 en poussant plus activement au compromis son dirigeant Mouammar Kadhafi, rappelle-t-il.

Pour M. Jia, "la Chine est à la fois un pays en développement et un pays industrialisé, un pays pauvre et riche, un pays ordinaire et une superpuissance", d'où "des intérêts contradictoires" sources d'une diplomatie "souvent incohérente".

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