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Grand marchandage en Allemagne sur les exceptions au futur salaire minimum

Grand marchandage en Allemagne sur les exceptions au futur salaire minimum

Le gouvernement Merkel III veut instaurer un salaire minimum pour tous. Vraiment pour tous? Alors que Berlin planche sur la concrétisation de la mesure, les milieux économiques font pression pour en limiter le champ au maximum.

C'était la condition sine qua non à la participation des sociaux-démocrates au gouvernement d'Angela Merkel: rompant avec la tradition allemande de non-ingérence politique dans les salaires, le pays doit se doter d'un salaire minimum généralisé de 8,50 euros bruts de l'heure à compter de l'an prochain. Les conservateurs de Mme Merkel y ont consenti à contre-coeur.

Les services de la ministre du Travail Andrea Nahles travaillent d'arrache-pied à un projet de loi, que la sociale-démocrate a promis d'ici Pâques. Elle a lancé une consultation des partenaires sociaux sur le sujet, et le lobbying va bon train pour édulcorer une mesure dans laquelle beaucoup à droite et dans les milieux économiques voient une menace pour l'emploi.

"Le salaire minimum va être un vrai frein sur le marché du travail pour les plus faibles, par exemple pour les chômeurs de longue durée ou ceux qui n'ont jamais travaillé", a prévenu Ingo Kramer, président de la fédération patronale BDA.

La fédération HDE du commerce de détail juge qu'il va mener bon nombre de petits commerçants à la ruine, surtout dans des régions défavorisées comme l'Est du pays. "Cela aura des conséquences pour l'approvisionnement de proximité et pour le marché du travail dans ces régions", prévient-elle.

Pourtant maintenant que le principe est acquis, et au vu de sa forte popularité chez les Allemands -plus de 80% d'entre eux y étaient favorables selon un sondage effectué pendant la campagne électorale des législatives de septembre-, les adversaires du salaire minimum ont arrêté de brandir des chiffres alarmistes de destructions d'emplois, comme cela a pu être le cas par le passé.

Pour satisfaire les conservateurs, la formulation adoptée dans le programme de gouvernement ouvrait la porte à un certain nombre d'exceptions, et à un régime transitoire jusqu'à 2017.

Les fédérations patronales veulent exclure du champ du salaire minimum les stagiaires et les apprentis -ce qui semble faire l'unanimité-, mais aussi les débutants non-qualifiés, les retraités (dont un certain nombre complètent leur revenu avec un petit emploi), les travailleurs saisonniers, les livreurs de journaux... Elles s'irritent aussi que le salaire envisagé soit le même pour tout le pays, alors que pour le moment les salaires en ex-RDA sont toujours inférieurs à ceux de l'Ouest.

L'institut de recherche économique DIW estime qu'au 1er janvier 2015, date à laquelle le salaire plancher doit entrer en vigueur, 4,5 millions de personnes en Allemagne devraient en profiter. Mais les exceptions discutées actuellement pourraient empêcher 1,5 million d'entre elles d'y accéder finalement, estime Karl Brenke, un de ses économiste.

Un régime d'exceptions trop large "serait fatal", dit-il à l'AFP, "cela conduirait à des distorsions majeures" sur le marché du travail, particulièrement pour des emplois peu qualifiés dans les services. Pourquoi un employeur recruterait-il quelqu'un pour 8,50 euros de l'heure si un retraité peut s'acquitter de la même tâche pour moins cher?

Comme souvent en Allemagne, le débat a lieu aussi sur le terrain juridique. A coups d'expertises et de contre-expertises, tenants et adversaires du salaire minimum s'affrontent sur la légalité d'éventuelles exceptions, au regard du principe d'égalité inscrit dans la Constitution allemande.

Sans surprise, une étude commanditée par la fédération bavaroise de l'industrie à l'université de Heidelberg arrivait cette semaine à la conclusion que toute une série d'exceptions seraient recevables.

"La dignité ne connaît pas d'exceptions", a rétorqué la confédération syndicale DGB, qui a publié un "argumentaire pour une mise en place du salaire minimum sans exceptions".

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