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A Swat, l'industrie de la soie n'a jamais récupéré depuis les talibans

A Swat, l'industrie de la soie n'a jamais récupéré depuis les talibans

Cinq ans après son effondrement sous les talibans, l'industrie de la soie n'a toujours pas ressuscité dans la vallée de Swat, au Pakistan, laissant à la rue des milliers d'artisans et des entrepreneurs comme Shaukat Ali piocher dans leurs fonds de tiroirs pour boucler les fins de mois.

La famille d'Ali avait quitté la capitale culturelle Lahore dans les années 60 pour profiter du commerce de la soie en pleine effervescence à Swat, vallée du nord-ouest aussi nommée "la Suisse du Pakistan" pour ses montagnes verdoyantes, ses chutes et ses rivières.

A l'époque, des investisseurs importaient à rabais d'Afghanistan voisin le fil de soie. L'industrie textile employait jusqu'à 25.000 personnes, une manne pour cette petite région du nord confrontée à la compétition des grandes villes industrielles du Pendjab et de la métropole Karachi.

Les patrons roulaient sur l'or. Et l'entreprise familiale d'Ali, spécialisée dans la réparation des installations des quelques 500 manufactures de Swat, n'échappait pas à cette règle jusqu'à ce que des talibans menés par le mollah Fazlullah s'emparent de la vallée en 2007.

"Je gagnais environ 80.000 roupies par mois (l'équivalent de 1.300 dollars à l'époque, ndlr) avant l'arrivée des talibans", se souvient avec nostalgie Ali dans son atelier désormais bien silencieux. "Aujourd'hui, l'industrie est en ruine et je croule sous des dizaines de milliers de roupies de dette".

Lors de leur bref règne à Swat, les talibans avaient imposé leur version radicale de la loi islamique (charia), exécuté en public leurs opposants présumés, fouetté des femmes et fermé des écoles pour filles. Deux ans plus tard, l'armée a lancé une vaste opération pour reprendre le contrôle de la vallée.

"Des usines de textile ont été détruites par des bombardements, d'autres ont tout simplement été pillées", résume Ali Muhammad, propriétaire d'une petite manufacture aux installations en décrépitude.

"Mes affaires marchaient bien. J'avais investi presque 30.000 dollars, j'avais entre huit et dix employés. La soie, c'était un bon +business+ ici. On comptait entre 500 et 600 usines dans la vallée, et moi je gagnais 30 dollars par jour. Et puis, toutes mes affaires se sont effondrées", regrette de son côté Rehman-ul-haq, ex-patron d'usine devenu chauffeur de taxi.

Après le relatif retour à la normale, il y a près de cinq ans, de nombreux entrepreneurs n'avaient ni les fonds ni la confiance pour remettre en état les usines.

"Le gouvernement provincial (du Khyber Pakhtunkhwa, ndlr) nous avait promis de créer un parc industriel afin de relancer le secteur de la soie et du textile", explique Ahmed Khan, président de la chambre de commerce de Swat. "Mais les autorités n'ont rien fait à part des annonces", déplore-t-il.

Résultat, aujourd'hui seulement 4.000 personnes s'activent dans les quelques dizaines d'usines de textile de la vallée, une fraction des travailleurs employés avant les talibans, souligne M. Khan.

"Aucune reprise n'est possible sans la création de cette zone industrielle. Si le gouvernement ne fait rien, il pourrait y avoir encore plus de pertes d'emplois", prévient-il.

Un parc industriel permettrait de regrouper les manufactures en un seul lieu à Mingora, chef-lieu de Swat, et d'offrir des incitations financières aux entrepreneurs pour moderniser leurs installations et véritablement relancer la production.

"Dès que nous aurons trouvé l'emplacement, le gouvernement accordera les fonds nécessaires à la création de ce parc industriel", promet Syed Imtiaz Shah, chef de l'administration de Swat, sans avancer d'échéancier.

Pour des entrepreneurs comme Shaukat Ali, il est déjà minuit moins une. "J'avais des machines, mais j'ai été obligé de tout vendre pour faire vivre ma famille", se plaint-il.

ks/adp/gl/ml

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