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Crimée: l'espoir d'une aide économique russe pour les uns, la peur pour les autres

Crimée: l'espoir d'une aide économique russe pour les uns, la peur pour les autres

Pour nombre de Russes de Crimée, largement majoritaires dans ce territoire s'éloignant chaque jour davantage de l'Ukraine et dont le niveau de vie est souvent très bas, l'espoir réside désormais dans une aide économique massive de la Russie, tandis les minorités ethniques craignent pour le respect de leurs droits.

"Mon frère est policier, il a un bon poste, il est marié, a deux enfants, mais ne gagne que 200 euros par mois", explique Vladimir dans les faubourgs de Simféropol, la capitale de la République autonome de Crimée.

"Moi, je vis tout seul et j'ai déjà du mal à joindre les deux bouts", ajoute cet homme, la trentaine, avant de montrer du doigt une station-service toute proche : "Regardez le prix de l'essence, il est passé en une semaine de neuf à 13 hryvnias (un euro) le litre, alors qu'il a été stable pendant des années".

"En Crimée, nous ne recevons aucun subside de Kiev, il n'y a aucun investissement ici", renchérit Sergueï. "Regardez l'état de nos routes".

A quelques mètres de là, les voitures, parmi lesquelles beaucoup de Lada datant de l'époque de l'URSS, sont contraintes de brusquement freiner, puis de monter sur un trottoir défoncé pour contourner les énormes nids de poule constellant la chaussée.

Les façades des immeubles du plus pur style soviétique sont complètement décrépies, les vêtements des passants ternes, les autobus brinquebalants. Un contraste saisissant avec un centre-ville plutôt avenant, ses boutiques modernes, ses centres commerciaux dignes des grandes cités occidentales.

"Il nous faut un gouvernement stable, comme en Russie, pas comme à Kiev, pour que notre économie se développe", poursuit Sergueï, qui se dit certain que Moscou va injecter de gros capitaux, à l'instar de ce qui a été fait dans le Caucase russe à Grozny, la capitale de la Tchétchénie, refaite à neuf après avoir été détruite par deux guerres successives.

"N'écoutez pas ces gens-là, ils sont manipulés par la télévision russe qui leur montre une Russie prospère, des gens de la classe moyenne qui voyagent à l'étranger, alors qu'eux ne le peuvent pas", tempère toutefois dans un café un étudiant ukrainien.

"Et puis, ils craignent aussi, s'ils restent rattachés à l'Ukraine, qu'on les empêche à l'avenir de parler russe au profit de l'usage exclusif de l'ukrainien. Mais c'est faux, ici on peut partout s'exprimer en russe, même au tribunal".

Beaucoup de Russes de Crimée redoutent également des désordres semblables à ceux qui sont survenus à Kiev, sur le Maïdan, la place de l'Indépendance, pendant les mois ayant précédé la chute, le 22 février, du président Viktor Ianoukovitch, qu'ils continuent de considérer comme leur président légitime.

En outre, ils rappellent avec fierté que la presqu'île a fait partie de l'Empire russe (à partir de la fin du XVIIIe siècle), puis de la République fédérative de Russie au sein de l'URSS, et ce jusqu'en 1954.

"Nous ne voulons pas être avec la Russie, nous voulons rester avec l'Ukraine", déclarent en revanche à l'unisson les Tatars rencontrés à Simféropol.

Moscou a en effet laissé un très mauvais souvenir à cette communauté turcophone musulmane déportée en masse sous Staline, en 1944, et qui n'a pu rentrer qu'à la fin de l'URSS en Crimée où elle constitue aujourd'hui 12 à 15% de la population.

"Les Russes risquent désormais de se comporter en vainqueurs à notre égard", explique à l'AFP Nariman Djelalov, vice-président du Medjlis, organe représentant les Tatars de Crimée, qui juge que "cela pourrait à l'avenir être la même situation en matière de respect des droits de l'homme qu'en Russie".

"Les relations entre Russes et Tatars sont très compliquées", souligne-t-il, avant de proclamer, prudent : "nous ne sommes pas contre la Russie, mais nous voulons être dans l'Union européenne".

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