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Menacé par un nouvel enregistrement, Erdogan jette le gant à son ennemi Gülen

Menacé par un nouvel enregistrement, Erdogan jette le gant à son ennemi Gülen

Fragilisé par une deuxième écoute téléphonique compromettante, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a durci le ton jeudi contre le chef musulman qu'il accuse de comploter contre lui en le défiant de venir l'affronter dans les urnes en Turquie.

Désormais personnellement visé par le scandale de corruption qui secoue le pays depuis deux mois, M. Erdogan s'est comme à son habitude défendu en attaquant pour la première fois directement celui qu'il considère comme le cerveau du "complot" ourdi contre lui, le prédicateur Fethullah Gülen.

"Ô Hodja (celui qui enseigne le Coran)", lui a-t-il lancé lors d'une réunion électorale à Burdur (ouest) à un mois des municipales du 30 mars, "si tu n'as rien à cacher, reviens dans ta patrie et lance-toi en politique".

"Fais de la politique, mais ne t'engage pas dans des actions de provocation qui pourraient menacer la sécurité nationale et la stabilité de la Turquie", a poursuivi le chef du gouvernement devant plusieurs milliers de ses partisans.

Depuis le coup de filet qui a visé plusieurs dizaines de ses proches soupçonnés de corruption le 17 décembre, M. Erdogan a fait de la confrérie de M. Gülen, longtemps son alliée, son ennemi numéro 1.

Il lui reproche de manipuler les enquêtes anticorruption qui éclaboussent la majorité islamo-conservatrice au pouvoir depuis 2002 afin de déstabiliser son gouvernement.

M. Gülen a quitté la Turquie en 1999 pour échapper à des poursuites judiciaires qui le visaient directement. Il vit désormais aux Etats-Unis, dans l'Etat de Pennsylvanie.

Cet homme frêle et discret de 74 ans, qui prêche un islam très tourné vers l'Occident, y dirige un large réseau d'écoles, d'associations et de médias, très influent dans la police, la justice et les milieux d'affaires turcs. S'il dispose d'un pouvoir certain sur l'échiquier politique, il a toujours refusé de s'y impliquer officiellement.

Pour le contrer, le Premier ministre a engagé depuis plusieurs semaines des purges sans précédent dans la hiérarchie policière et la haute magistrature, soupçonnées d'abriter un véritable "Etat dans l'Etat".

Cette nouvelle offensive intervient alors que M. Erdogan est mis à mal par la diffusion sur internet d'une série de conversations téléphoniques avec son fils Bilal qui, même si leur authenticité n'a pas été confirmée, le mettent directement en cause.

Dans un premier enregistrement posté lundi soir, M. Erdogan ordonne à son fils de faire disparaître de fortes sommes d'argent -- le chiffre de 30 millions d'euros est cité --, deux heures après le coup de filet du 17 décembre.

Ce coup de théâtre a outré l'opposition et précipité des milliers de Turcs dans les rues du pays pour dénoncer la corruption du pouvoir et exiger la démission de celui que les slogans désignent désormais sous le terme de "voleur".

Un deuxième enregistrement publié mercredi soir présente le Premier ministre en train de demander à son fils de refuser une somme de 10 millions de dollars proposée par un homme d'affaires, la jugeant insuffisante. "N'accepte pas", lui conseille-t-il, "tu verras bien qu'il finira bien par nous donner ce qui a été promis".

Comme après le premier enregistrement, M. Erdogan a dénoncé jeudi un "montage ignoble" et promis les foudres de la justice à ses auteurs.

Mercredi, le conseil national de sécurité (MGK), qui réunit les principaux responsables politiques et les chefs des services de sécurité et de l'armée, a longuement évoqué "les structures et les activités portant atteinte à la sécurité nationale".

Cette allusion à peine voilée à la confrérie Gülen a été interprétée par la presse comme le signe du déclenchement imminent d'une offensive judiciaire contre cette "organisation parallèle" coupable, dixit M. Erdogan, de "haute trahison" au profit "d'autres pays".

Recevant la presse étrangère, le ministre de la Justice Bekir Bozdag a écarté ce scénario jeudi mais il a promis de punir "tout citoyen qui agit contre la loi et la Constitution et reçoit des instructions d'autres personnes".

Les révélations diffusées sur internet suscite à nouveau l'inquiétude des marchés et ont provoqué une rechute de la livre turque (LT), qui s'échangeait jeudi après-midi à 2,2290 LT pour un dollar et 3,0506 LT pour un euro.

ba-fo/pa/ ih

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