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Les députés espagnols votent la loi restreignant la justice universelle

Les députés espagnols votent la loi restreignant la justice universelle

Les députés espagnols ont voté jeudi la loi controversée restreignant le principe de justice universelle, dénoncée par l'opposition de gauche comme une façon de sacrifier les droits de l'Homme aux intérêts économiques ou diplomatiques.

Ce principe, qui permet aux tribunaux espagnols d'enquêter sur des faits commis à l'étranger, a généré des tensions diplomatiques, récemment avec la Chine et dans le passé avec d'autres pays dont Israël.

Au nom de ce concept, la justice espagnole a fait arrêter l'ancien dictateur chilien Augusto Pinochet. Elle a ouvert des enquêtes notamment sur les dictatures latino-américaines ou les responsabilités de militaires américains durant la guerre en Irak, mais presque aucune d'elles n'a jamais abouti. Douze de ces enquêtes sont en cours.

Critiqué par la gauche et les défenseurs des droits de l'Homme, qui accusent la droite au pouvoir de sacrifier ces droits, le texte a été voté avec les seules voix du Parti populaire (PP) du chef du gouvernement Mariano Rajoy, qui dispose de la majorité absolue au Parlement.

Le nouveau texte élargit les conditions nécessaires pour qu'un juge espagnol puisse enquêter sur un délit commis hors d'Espagne, spécialement pour des affaires de génocide ou crimes contre l'humanité.

L'accusation populaire, une figure qui en droit espagnol permet à un particulier ou à une organisation non-impliquée ni victime dans une affaire de saisir la justice, ne pourra ainsi plus déclencher une procédure visant des faits commis à l'étranger. Désormais, seul le Parquet ou les victimes pourront saisir un juge dans de tels cas.

"L'agenda économique prévaut sur les droits de l'Homme, qui ne sont considérés par le gouvernement que comme une source inutile de problèmes", a affirmé le député socialiste Julio Villarrubia, rappelant les tensions avec la Chine créées par une de ces enquêtes.

La droite a, elle, défendu le texte en soulignant que les poursuites entamées au nom de la justice universelle aboutissaient rarement.

"Avec la législation actuelle, on instruit ce que l'on ne peut pas juger. Maintenant, on instruira tout ce qu'il est possible de juger", a affirmé le porte-parole du Parti populaire chargé de la justice, José Miguel Castillo, en défendant la proposition.

Le texte, qui a été débattu en urgence, était arrivé au Parlement peu après que, le 10 février, un juge espagnol eut émis un mandat d'arrêt international contre l'ancien président chinois Jiang Zemin, dans le cadre d'une enquête pour la répression au Tibet dans les années 1980-90.

Pékin s'était dit vivement irrité par cette enquête.

Amnesty International et 16 autres ONG avaient remis une lettre aux députés, affirmant que si le texte était voté, "l'Espagne contreviendrait aux normes du droit international qui déterminent que certains crimes sont si atroces que les Etats ont l'obligation d'enquêter".

L'enquête la plus retentissante fondée sur le concept de la justice universelle, lancée par le juge Baltasar Garzon, avait abouti à l'arrestation, en 1998, à Londres, d'Augusto Pinochet.

En 2005, le Tribunal constitutionnel avait entériné ce principe, l'élargissant aux cas où aucun Espagnol n'était impliqué.

Mais en 2009, sous le gouvernement socialiste, des frictions diplomatiques avec Israël, suivant une enquête ouverte en Espagne sur les bombardements à Gaza en 2002, avaient débouché sur une première réforme limitant l'application de la justice universelle aux cas où les victimes étaient espagnoles, à ceux où les suspects se trouvaient en Espagne ou aux dossiers ayant un lien avec ce pays.

Selon le nouveau texte, les tribunaux espagnols pourront agir dans les cas de "génocide, crime contre l'humanité ou contre les personnes et biens protégés dans les conflits armés", à condition que la procédure soit dirigée "contre un Espagnol ou un citoyen étranger qui réside habituellement en Espagne".

Le texte est encore plus précis dans les cas de "tortures", pour lesquels l'action de la justice ne pourra être déclenchée qu'à condition que "la procédure vise un Espagnol" ou que "la victime ait eu la nationalité espagnole au moment des faits".

gr/sg/plh

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