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Caricatures du prophète: le Tunisien gracié reste en prison pour "détournement de fonds"

Caricatures du prophète: le Tunisien gracié reste en prison pour "détournement de fonds"

Un Tunisien, gracié deux ans après sa condamnation pour la diffusion de dessins jugés blasphématoires, reste emprisonné en raison de poursuites surprises pour "détournement de fonds" selon ses partisans, qui dénoncent jeudi un "acharnement judiciaire".

La présidence tunisienne avait annoncé mercredi la grâce de Jabeur Mejri, condamné en mars 2012 à sept ans et demi de prison pour la diffusion sur internet notamment de caricatures du prophète. Mais elle a aussi admis sa surprise en apprenant que le jeune homme de 29 ans devait rester en prison en raison d'une seconde affaire dont elle n'avait pas connaissance.

"J'ai contacté le juge d'instruction du tribunal de Mahdia qui m'a confirmé l'existence d'une affaire de détournement de fonds lorsque Jabeur travaillait à la SNCFT (chemins de fers tunisiens, ndlr). A la suite de son instruction, un mandat de dépôt a été émis le 9 janvier 2014", a indiqué jeudi à l'AFP l'avocat de Jabeur, Me Ahmed Mselmi.

Si le mandat de dépôt, qui ordonne le placement en détention provisoire du justiciable, n'a été émis que cette année, l'affaire elle-même remonte à "bien avant l'emprisonnement de Jabeur" en mars 2012 après sa condamnation, a expliqué l'avocat.

Jabeur Mejri, aujourd'hui âgé de 29 ans, était au chômage lorsque l'affaire des caricatures a éclaté début 2012, mais précédemment ce diplômé d'anglais travaillait à temps partiel au guichet de la gare de Mahdia, ville située à 150 km au sud de Tunis.

Ni Me Mselmi ni la famille de Jabeur Mejri, pas plus que son comité de soutien ou la présidence tunisienne n'avaient été informés de l'existence de cette affaire.

"On soupçonnait qu'il pouvait y avoir des complications, mais le Comité de soutien n'a jamais été au courant d'une autre affaire", a indiqué à l'AFP un de ses membres Kaouther Zouari.

"Il y a un acharnement judiciaire contre ce monsieur", a-t-elle dénoncé.

Me Mselmi a indiqué à l'AFP qu'il devait rencontrer le juge d'instruction en charge du dossier jeudi après-midi pour être informé des détails de l'affaire et "remettre une demande de remise en liberté", qu'il espère voir aboutir "au début de la semaine prochaine au plus tard".

Interrogé sur l'identité du plaignant, Me Mselmi n'était pas en mesure d'apporter des précisions, faute d'avoir eu accès à l'instruction. "C'est sans doute un mandataire de la SNCFT", a-t-il dit.

Jabeur Mejri purge depuis mars 2012 une peine de sept ans et demi de prison pour avoir diffusé sur internet des textes et dessins considérés comme insultants pour l'islam. Le code pénal ne réprimant pas le blasphème, il a été condamné entre autres pour trouble à l'ordre public et atteinte à la morale.

Son ami Ghazi Beji, un diplômé d'agro-alimentaire condamné à la même peine pour ces faits, a lui réussi à fuir la Tunisie et obtenu l'asile en France au terme d'un long périple à travers le Maghreb et l'Europe.

Ghazi et Jabeur s'étaient rencontrés alors qu'ils effectuaient tous les deux des petits boulots pour la SNCFT.

La présidence tunisienne n'a pas dit si la grâce décrétée en faveur de Jabeur Mejri concernait aussi Ghazi Beji.

Le président Marzouki, un militant des droits de l'homme exilé à l'époque du régime de Zine El Abidine Ben Ali, avait à plusieurs reprises affirmé vouloir libérer Jabeur mais ne pas pouvoir le faire tant que la Tunisie était confrontée à l'essor de groupes jihadistes.

Plusieurs ONG et militants des droits de l'Homme se sont mobilisés pour le cas du jeune homme. Human Rights Watch (HRW) a encore appelé début février le président à "saisir l'occasion" de l'adoption de la nouvelle Constitution tunisienne pour le gracier, car "sa condamnation semble en contradiction avec les droits inscrits" dans la Loi fondamentale, notamment les libertés de conscience, d'opinion et d'expression.

Pour Amnesty International, M. Mejri est le premier prisonnier d'opinion en Tunisie depuis la révolution de janvier 2011 qui chassa le régime de Ben Ali.

alf/iba/hj

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