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A Kiev en proie au chaos, se rendre en ville est une affaire risquée

A Kiev en proie au chaos, se rendre en ville est une affaire risquée

Chauffeurs de taxis crispés, coups de feu qui claquent, policiers lourdement armés et cadavres gisant sur le sol: pour le visiteur, se rendre de l'aéroport au centre de Kiev relève désormais du défi.

"Merci d'avoir volé avec nous. Bonne journée et bonne chance", murmure la voix douce de l'hôtesse de l'air, avant que l'avion quasiment vide ne déverse ses passagers, dont bon nombre de journalistes, sur le tarmac de l'aéroport de Kiev ce jeudi matin.

"Hotel Ukraina, please ?": les pupilles du chauffeur de taxi se dilatent brusquement à la mention de ce bâtiment de style stalinien qui surplombe le Maïdan, la place de l'Indépendance au coeur de la capitale.

"Snipers, snipers !", gesticule-t-il pour expliquer, avant de consentir finalement à convoyer cinq journalistes dans son minivan pour un prix renégocié à la hausse.

Au même moment, à plusieurs kilomètres de là, sur le Maïdan de violents affrontements opposent des manifestants armés de bâtons et de battes et des policiers antiémeutes en grande tenue.

Le bilan des violences qui se sont déroulées entre mardi et jeudi soir dépasse les 60 morts, selon les autorités municipales.

Sur la route de l'aéroport, tout paraît normal au début, les citadins semblant vaquer à leurs activités quotidiennes. Mais au fur et à mesure que l'on se rapproche du centre et de la zone archi-protégée abritant les bâtiments du gouvernement, les rues se vident et un calme pesant se fait sentir.

Seuls quelques silhouettes arpentent les trottoirs, où l'on peut voir des véhicules militaires brûlés lors des violences de mardi, journée au cours de laquelle 26 personnes étaient déjà mortes.

Lorsque apparaît finalement l'hotel Ukraina, émergeant du brouillard et de la fumée issue des barricades, il est entouré d'ambulances, leurs girophares bleus luisants.

Un policier lourdement armé fait de grands signes pour bloquer le passage. De violents combats se déroulent tout près, empêchant l'accès à l'hôtel.

Interdits de passage, les passagers enfilent rapidement leurs gilets pare-balles et leurs casques et remontent en voiture pour tenter d'accéder à l'hôtel par une autre rue.

La situation, à peine à un kilomètre de là dans un quartier chic plein de boutiques de luxe barricadées, apparaît bien différente: aucun policier n'est en vue.

Sur une barricade, un protestataire, voyant les insignes "presse" sur les gilets pare-balle, tente de se renseigner: "Combien de morts ?", demande-t-il. Son visage s'assombrit lorsque arrive la réponse: 25 à ce stade de la journée.

Près de l'une des barricades bloquant l'accès à la place, huit corps gisent enveloppés de drapeaux ukrainiens, le visage d'un blanc de marbre. Des gens défilent devant eux, déposant, qui des roses, qui des cierges allumés, nombre d'entre eux en pleurs.

Ils entonnent une prière, puis l'hymne national ukrainien, la main sur le coeur. Un homme crie "Gloire à l'Ukraine !"

La place elle-même ressemble à une ruche, où il faut se frayer un chemin entre les hommes qui déterrent des pavés et des femmes âgées et des jeunes filles qui les rassemblent dans des sacs.

Les pavés, destinés à être lancés sur les policiers, sont portés à la barricade de la rue Institutska, au coeur de la contestation. De temps en temps, des coups de feu résonnent.

De l'autre côté se dresse l'hôtel Ukraina. Dans le lobby, l'odeur douceâtre de la mort prend à la gorge. L'hôtel a été transformé en morgue et en hôpital de fortune.

Le comptoir de la réception est encombré de produits antiseptiques, pansements et équipement médicaux prêts à l'usage. Des médecins et des infirmiers volontaires s'affairent autour des blessés.

De nouveau dans la rue, une scène désormais insolite en ces lieux attire l'oeil: un manifestant en vêtements militaires, un gros casque vert vissé sur la tête, tire sur une cigarette. Sur son bras se balance une colombe blanche.

mbx-ahe/neo/gg

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