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Afghanistan: quand des millions de dollars d'aide se changent en ville fantôme

Afghanistan: quand des millions de dollars d'aide se changent en ville fantôme

Des maisons vides à perte de vue, pas d'électricité, pas d'eau courante. A une heure de route de Kaboul, Aliceghan, un camp bâti à coups de millions de dollars pour les déplacés de la guerre, se transforme lentement en ville fantôme.

C'est un dédale de bicoques en pisé souvent en ruines et pour la plupart abandonnées par leurs occupants, ou qui n'en ont jamais eus.

Il y a bien quelques signes de vie: ici les éclats de rire d'une bande de gamins en pleine bataille de boules de neige, là un vieil homme assis sur un sac de sable, immobile.

Mais pour le reste, c'est le silence, le vide, une sensation d'oppression, accentuée par une ceinture de montagnes arides qui encerclent la ville.

Aliceghan est sorti de terre en 2008. Le projet, d'un coût de 7,2 millions de dollars, financé par l'Australie, visait à "créer un nouveau modèle" pour les personnes déplacées par la guerre en introduisant "une perspective de développement à long terme", selon un document des autorités afghanes et du Programmes des Nations unies pour le développement (PNUD) consulté par l'AFP.

L'idée était d'établir "une communauté pérenne" en fournissant des "opportunités d'emplois et de formation".

Les objectifs sont loin d'être atteints. Le village, conçu pour accueillir plus d'un millier de familles, n'en compte plus que 320.

Pourtant, "la première année, il y avait du travail, les habitants étaient occupés à construire les maisons", raconte Mohammad Khoja, 79 ans, rentré en Afghanistan avec sa famille après avoir vécu 20 ans en Iran.

"Mais l'année suivante, les gens se sont retrouvés désoeuvrés. Alors ils ont commencé à partir. Et maintenant ici, c'est comme une ville fantôme", dit ce petit homme à la barbe fournie.

Mohammad est l'un des 5,7 millions d'Afghans qui ont fui l'occupation soviétique (1979-1989) ou la guerre civile en Afghanistan (1992-1996), pour y revenir après la chute du régime des talibans, en 2001, dans l'espoir de reconstruire leur vie.

Mais treize ans plus tard, malgré les sommes colossales dépensées par la communauté internationale pour remettre le pays debout, "beaucoup de rapatriés n'ont pas été totalement réintégrés, faute de débouchés socio-économiques", explique l'agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

A Aliceghan, Mohammad et les siens, une dizaine de personnes au total, vivent dans une maisonnette de deux pièces.

Des piles de couvertures sont rangées dans un coin du salon, qui fait office de chambre. Une vieille batterie reliée à un panneau solaire est posée sur le bord de la fenêtre, elle alimente une ampoule au plafond. "C'est notre seule source d'électricité", dit Mohammad.

Barek Aub, un autre camp de rapatriés qui jouxte Alighan, n'est guère mieux loti. Faute d'eau courante, les habitants ont rendez-vous tous les jours à 14H00 devant la petite école du village pour la distribution.

"Cela fait partie des choses que le gouvernement nous avait promis", s'emporte Bashir Ahmad, 45 ans, père de quatre enfants. "Des conditions de vie respectables aussi, des emplois, des opportunités... mais au bout du compte, ils n'ont rien fait pour nous", lâche-t-il.

"Le principal problème, c'est le travail, poursuit-il. 95% des gens ici n'en ont pas, parce que le village est trop loin de Kaboul. Certains y vont, mais l'argent qu'ils gagnent couvre à peine de quoi payer le transport".

Faute de perspectives, Bashir craint que les jeunes du village ne "finissent par rejoindre l'insurrection (des talibans) ou par tomber dans la drogue".

"Le gouvernement afghan doit être tenu pour responsable de la situation", estime Abdul Wakil, un responsable de l'ONG américaine Sozo, une des seules à travailler encore sur place. "Il faut créer des emplois. Sinon, je ne vois pas comment les gens s'en sortiront".

"Des erreurs ont été commises", reconnaît le porte-parole du ministère des Réfugiés et des rapatriés, Islamuddin Jurat. "Mais nous avons révisé notre stratégie en 2010 et notre objectif est désormais de créer des emplois pour les rapatriés", voire de les faire revenir dans leur ville d'origine.

Des promesses qui sonnent creux pour les habitants de Barek Aub, qui envisagent avec inquiétude les deux grandes échéances à venir pour l'Afghanistan : le retrait des forces de l'Otan, d'ici la fin de l'année, et l'élection présidentielle du 5 avril, source potentielle d'instabilité.

"On a peur, dit Bashir. Si les choses tournent mal en 2014, et que l'aide étrangère s'arrête, on craint d'être complètement oubliés. Et de sombrer".

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