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Afghanistan : une guerre pour rien?

Afghanistan : une guerre pour rien?

Alors que l'essentiel des troupes étrangères quitte l'Afghanistan et que le pays s'apprête à vivre sa première transition démocratique, l'heure est au bilan pour une guerre de plus de 12 ans.

Un texte de Marie-Ève Bédard

Ismael Khan est un personnage mythique pour certains Afghans. Dans son fief de Herat, à la frontière de l'Iran, il a combattu l'armée soviétique entre 1979 et 1988 et, plus tard, les talibans après s'être évadé de prison.

Aujourd'hui candidat à la vice-présidence, il réserve ses flèches aux Occidentaux. Devant un groupe venu l'écouter, son constat est sans appel : la guerre en Afghanistan est un échec.

Il en est convaincu au point de redistribuer des armes à ceux qui lui sont loyaux. Selon plusieurs sources, il se prépare au prochain combat avec d'autres seigneurs de guerre ailleurs au pays.

Ce n'est peut-être pas surprenant. Nous avions rencontré Ismael Khan pour la première fois en 2003. À l'époque, insoumis, il refusait de déposer les armes et de démobiliser ses hommes au profit d'une armée nationale afghane au stade embryonnaire, comme le prévoyaient les Accords de Bonn.

Quand les enfants criaient « Canada, Good! »

C'était une époque qui avait encore des airs de lune de miel entre les Afghans et les forces étrangères. La guerre pour déloger le gouvernement des talibans avait pris fin rapidement deux ans auparavant, Al-Qaïda avait fui du côté pakistanais de la frontière et tout semblait possible pour l'avenir. Les soldats canadiens que nous accompagnions en patrouille dans les rues de Kaboul étaient pris d'assaut par les enfants qui s'époumonaient à leur crier « Canada, Good! ».

Mais au sud du pays, les talibans se regroupaient et menaçaient de reprendre Kandahar, un des derniers endroits à avoir échappé à leur contrôle.

C'est là, au cur d'une insurrection qui allait s'intensifier, que le Canada a concentré ses efforts à la fois militaires et humanitaires jusqu'à ce la mission Athena prenne fin en 2011. Ce fut la dernière mission de combat des soldats canadiens en Afghanistan.

Aujourd'hui, les derniers militaires canadiens restés pour former les officiers afghans qui leur succèdent plient bagage. À la fin de l'année, la plupart des soldats étrangers auront fait de même, alors que les Afghans eux, s'apprêtent à vivre une première transition démocratique du pouvoir. Une période de transition cruciale qui survient dans un climat d'inquiétude profonde.

Flambée de violence

En 2013, l'Afghanistan a connu l'année la plus violente depuis 2009 selon un rapport des Nations unies. Le nombre de morts civils a fait un bond de 14 %.

« La sécurité est précaire dans le pays. Dans plusieurs régions, il y des combats armés, des affrontements pas seulement avec les insurgés, mais aussi entre différents groupes armés que personne ne contrôle. Il ne faut pas oublier qu'il y a de nombreux groupes armés qui sont liés au trafic de la drogue », explique Jan Kubis, représentant spécial de la Mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA).

À la fin de l'année, la tâche de combattre ces menaces reviendra entièrement ou presque à l'armée nationale afghane. Cette force compte maintenant près de 200 000 soldats, une augmentation spectaculaire en une dizaine d'années. C'était l'une des priorités de l'engagement du Canada dans ce pays.

Quel avenir pour les femmes?

Quant aux droits des femmes, autre axe ciblé par Ottawa, les signes annonciateurs d'un recul se multiplient. Il y a d'abord eu la tentative infructueuse l'an passé de ramener la lapidation des femmes dans le Code criminel.

Pour plusieurs groupes de femmes en Afghanistan, il s'agit d'une attaque directe des progrès durement atteints au cours de douze dernières années. Le Canada a dénoncé le projet de loi. Face au tollé de protestations des groupes de femmes et de la communauté internationale, le président Hamid Karzai a ordonné que le projet soit revu pour permettre le choix de témoigner ou pas avant d'y apposer sa signature. Mais ce dernier assaut législatif pourrait être suivi d'un autre et puis d'un autre si la communauté internationale se détourne du pays avec le départ des militaires, une crainte exprimée par plusieurs organismes qui travaillent auprès des femmes en Afghanistan.

Du côté des Nations unies, on assure être là pour rester. « La communauté internationale est sollicitée pour agir dans plusieurs secteurs à commencer par son appui aux élections présidentielles parce que c'est crucial pour l'avenir du pays et son développement », soutient Jan Kubis de la MANUA.

La fin de l'époque Karzaï

Autant que le retrait des forces étrangères, le départ d'Hamid Karzai, qui ne peut se présenter de nouveau à la présidence selon la constitution, marque un tournant. Jadis l'homme de confiance de l'occident, il a choisi en fin de parcours de se distancer des forces étrangères, à commencer par les Américains.

Il a multiplié les gestes de défiance ces derniers temps. Refus de signer une entente sécuritaire avec les Américains. Déclarations de plus en plus hostiles face à la présence des étrangers, ceux-là mêmes qui lui ont permis de se maintenir au pouvoir. Puis la libération de 65 prisonniers considérés comme dangereux, certains responsables de la mort de soldats de la coalition. Autant d'actes de rébellion qui poussent les Occidentaux à se demander ce qu'il restera de la relation bâtie avec le gouvernement afghan une fois son successeur choisi.

La décision appartient aux maintenant aux Afghans, tout comme ce qui restera des bases jetées pour transformer un pays qui était au dernier rang de la plupart des indices de développement en 2001. Après des centaines de milliards investis en aide humanitaire, il faudra peut-être patienter pendant des générations pour mesurer si le jeu en valait la chandelle.

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