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La traque en France et en Israël des escrocs du marché du carbone

La traque en France et en Israël des escrocs du marché du carbone

Cinq ans après une fraude colossale au marché du carbone, qui se chiffre en milliards d'euros, les enquêteurs traquent toujours en France et en Israël les auteurs de cette "escroquerie du siècle".

L'arnaque, qui a eu lieu en 2008 et 2009, a été une spécialité du milieu franco-israélien. En témoigne l'arrestation de l'un de ses "cerveaux" présumés, Cyril Astruc, le 10 janvier à l'aéroport de Roissy, en provenance d'Israël.

Recherché par les justices française et belge, cet homme de 40 ans a été inculpé à Paris.

Cette "escroquerie du siècle", comme la qualifie un enquêteur, démarre par une fraude classique à la TVA. Sauf qu'elle s'applique au marché européen des quotas de carbone, conçus pour lutter contre le réchauffement climatique.

Concrètement, des sociétés fictives achetaient des droits d'émission de CO2 hors taxe dans un pays étranger, avant de les revendre en France à un prix incluant la TVA, puis d'investir les fonds dans une nouvelle opération. La TVA, elle, n'était jamais reversée à l'Etat.

Résultat, 1,6 milliard d'euros de pertes pour le fisc français, selon une estimation de la Cour des comptes. Environ cinq milliards d'euros au niveau européen, selon Europol.

A ce jour, deux procès d'ampleur ont eu lieu à Paris, en 2011 et 2013. Peine maximale prononcée: cinq ans de prison. Les fortunes amassées, elles, ont été blanchies sur le marché de l'immobilier de luxe en Israël, qu'elles font flamber, ou réinvesties dans le trafic de drogue.

C'est dans ce pays que sont soupçonnés d'avoir trouvé refuge un grand nombre d'acteurs de l'escroquerie, à l'instar d'Haroun Cohen, absent à son procès à Paris, en 2011, où il a été condamné à 4 ans de prison et un million d'euros d'amende.

Récemment, la justice française a aussi perdu la trace de Michel Keslassy, condamné en 2013 à 3 ans et demi de prison et 65 millions d'euros de dommages et intérêts, et dont le procès en appel à Paris est prévu la semaine prochaine.

"Les types sont tous partis en Israël et les sommes récupérées sont dérisoires", soupire un enquêteur, déçu des peines prononcées en France. Israël extrade ses ressortissants mais la procédure prend deux à trois ans.

L'arrestation de Cyril Astruc est intervenue un peu plus de deux mois après le déplacement d'enquêteurs français et belges en Israël.

La douane et la police israéliennes ont mené deux opérations majeures en octobre visant des Franco-Israéliens, notamment à Herzliya Pituach, quartier diplomatique cossu au nord de Tel-Aviv, où sont soupçonnés d'être installés nombre des escrocs. Résultat: une quarantaine d'interpellations et une quinzaine de perquisitions.

L'énormité des sommes en jeu a rapidement suscité l'intérêt du milieu traditionnel. La justice française se penche sur des extorsions de fonds, des menaces mais aussi des homicides susceptibles d'être liés à ces escroqueries.

"Quelques mois avant son arrestation, Astruc était entré en relation avec l'organisation d'Amir Mulner, l'un des parrains les plus puissants de la mafia israélienne. Il fréquentait au moins deux de ses lieutenants", affirme le journaliste Serge Dumont, récent auteur d'une enquête intitulée "L'histoire vraie de la mafia israélienne".

Mais Cyril Astruc se serait fâché avec son "protecteur", qui assurait sa sécurité en échange de ses ressources financières, ce qui expliquerait son départ précipité en France. "Mieux vaut finir dans une prison française que dans une tombe en Israël", résume un connaisseur de l'affaire.

A partir de 2005, Israël a vu débarquer une série d'immigrants en délicatesse avec la justice française pour fraude et escroqueries.

Israël a d'abord peu coopéré avec la justice française. Mais beaucoup constatent de réels progrès.

Le premier groupe de travail police/justice franco-israélien s'est ainsi réuni les 2 et 3 février à Jérusalem, selon une source diplomatique, qui y voit une "étape majeure" dans la coopération.

"Notre coopération internationale est excellente, en particulier avec la France", a déclaré à l'AFP Yehuda Shaffer, procureur adjoint au ministère de la Justice israélien. "Il n'est pas vrai qu'Israël soit un refuge pour les juifs responsables de crimes à l'étranger", plaide cet ex-directeur de l'Autorité chargée de lutter contre le blanchiment financier.

Le ministère de la Justice a gelé 60 millions d'euros et confisqué définitivement 20 millions lors d'opérations anti-blanchiment en 2013, des chiffres en progression.

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