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Slovaquie: inquiétude des Roms face à la montée de l'extrême droite

Slovaquie: inquiétude des Roms face à la montée de l'extrême droite

Cinq garçonnets rom, bravant courageusement le froid de février dans leurs T-shirt élimés, donnent des coups de pied dans un ballon, devant un immeuble délabré à Brezno, petite ville de Slovaquie centrale. Leurs parents sont loin de partager l'insouciance de leurs enfants.

Dasa Bucekova, la mère de deux petits footballeurs, passe des nuits blanches depuis l'élection en novembre à la tête du conseil régional de Marian Kotleba, un ultra-nationaliste de 36 ans, connu pour son violent discours antirom.

"J'ai peur qu'il vienne et qu'il nous chasse d'ici", confie à l'AFP la quadragénaire. Avec son mari et ses enfants, elle vit dans un modeste appartement d'une pièce, sans eau courante.

"Il parle de nous comme des parasites qui abusent des prestations sociales. Alors, il n'a qu'à me donner du travail, j'irai travailler volontiers", assure-t-elle.

La crise économique à travers l'Europe va de paire avec la montée de l'extrémisme de droite. La Slovaquie, membre de l'UE et de la zone euro, n'y échappe pas.

Ancien néo-nazi, Marian Kotleba gagne de la popularité en accusant l'importante minorité rom d'être responsable des problèmes économiques.

Dans ce pays de 5,4 millions d'habitants, environ 60% des quelque 400.000 Roms sont entièrement intégrés dans la société, mais les autres vivent dans quelque 650 bidonvilles, sans eau ni électricité, situés pour la plupart dans l'est du pays.

Le parti d'extrême droite Notre Slovaquie (NS), dirigé par Kotleba, a pour la première fois franchi récemment dans un sondage de popularité le seuil d'éligibilité de 5% au Parlement national.

L'élection surprise de son chef à la tête du conseil régional de Banska Bystrica, au détriment d'un social-démocrate, est intervenue alors que plusieurs partis d'extrême droite en Europe joignaient leurs forces en vue des élections européennes de mai.

Le porte-parole de Marian Kotleba a confirmé à l'AFP que Notre Slovaquie se présenterait au scrutin européen.

Même le très populaire Premier ministre social-démocrate Robert Fico a parfois recours à une rhétorique populiste antirom pour séduire ses électeurs, sans toutefois aller aussi loin que Kotleba.

"Ces parasites qui refusent une offre d'emploi ne recevront aucune allocation, ni argent ni maison", proclame un manifeste de Notre Slovaquie.

"Kotleba se présente lui-même comme un protecteur des citoyens 'décents' contre des 'parasites rom' et des politiciens corrompus", note Alena Kluknavska, une experte des extrémismes à l'Université Comenius de Bratislava.

Selon elle, la plupart des politiciens ferment les yeux sur la pauvreté des Roms, ce qui approfondit leur exclusion sociale.

"J'ai voté pour Kotleba parce que quelque chose doit être fait au sujet des Roms", clame Ondrej Vegh, 53 ans, en retraite pour invalidité.

"Ils ne travaillent pas, le gouvernement leur offre des allocations et des maisons, tandis que les non-Roms triment pour avoir un salaire minimum, personne ne leur donnera rien gratuitement", affirme-t-il.

Outre l'abandon de la zone euro et de l'Otan, Kotleba propose d'employer les chômeurs "dans la construction d'écoles, d'hôpitaux, de logements et de routes, au lieu d'avoir recours à des sociétés privées coûteuses".

"Abandonner les machines et employer les chômeurs, munis de marteaux et de pelles? C'est naïf, ce serait un retour vers le 18e siècle", sourit Vladimir Petro, un fleuriste de 40 ans.

Les pouvoirs de Marian Kotleba en tant que gouverneur régional sont actuellement limités, car il est isolé au sein d'une assemblée dominée par les sociaux-démocrates.

Arborant fièrement une petite moustache noire, il aime se faire appeler "vodca" ("führer" en slovaque). Il a déjà été interpellé plusieurs fois et mis en examen pour incitation à la haine.

Ancien instituteur, il avait fondé il y a dix ans un parti d'extrême droite Communauté slovaque, interdit en 2006. Ses membres portaient des uniformes inspirés d'uniformes nazis de la Seconde guerre mondiale.

"Depuis, Kotleba a changé de stratégie. Il a abandonné sa critique des sionistes, Américains et libéraux, pour épingler les Rom et les politiciens traditionnels corrompus, un discours qui trouve davantage d'écho auprès des électeurs frustrés", résume Mme Kluknavska.

tab-jma/mrm/pt

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