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Centrafrique : "Boda la belle" dévastée par des affrontements meurtriers

Centrafrique : "Boda la belle" dévastée par des affrontements meurtriers

Sur le pignon de sa villa de fonction, une pancarte lui promettait "Boda la belle". Vendredi, la sous-préfète de cette ville du nord-ouest centrafricain a découvert des ruines et des cendres, résultat d'affrontements qui ont fait une centaine de morts.

"Vraiment, tout a brûlé, vraiment!": transportée à Boda dans un hélicoptère français, la sous-préfète Mélanie Wakoro découvre sa nouvelle affectation en camion militaire. Quartier musulman, quartier chrétien, maisons et boutiques défilent, la plupart calcinés. Du grand marché, envahi par les gravats et les cendres, ne subsistent que quelques poteaux de bois carbonisés.

"Dieu est grand", lit-on sur le mur d'une maison détruite côté musulman, "God is good", proclame l'enseigne d'un magasin pillé côté chrétien.

La plupart des bâtiments publics ont été épargnés mais tous sont fermés.

Devant le commissariat, Mme Wakoro, accompagnée du général Francisco Soriano, le commandant des forces françaises en Centrafrique, est accueillie par les dignitaires de la ville: les chrétiens sont assis à gauche, les musulmans à droite.

Depuis mercredi, une unité de 80 soldats français est déployée dans la ville qui a retrouvé un calme précaire. "Quand nous sommes arrivés, il y avait des hommes en armes sur tous les axes, des armes derrière chaque maison", témoigne le capitaine français Olivier (l'armée française demande que les noms des soldats en opération ne soient pas cités).

Occupée pendant près d'un an par les rebelles Séléka à dominante musulmane qui ont pris le pouvoir à Bangui en mars 2013, Boda s'est littéralement embrasée le jour de leur départ, le 29 janvier.

Personne ne sait comment ça a commencé. "J'étais en réunion", dit le maire Awal Mahamat, "et vers 16H00, j'ai entendu des tirs. Le lendemain matin, on avait déjà huit morts".

Depuis, attaques et représailles se sont enchaînées en un cycle meurtrier.

"84 morts enregistés, 420 blessés et 12.300 déplacés", égrène le représentant local de la Croix-rouge, qui précise n'avoir pas eu accès à tous les quartiers. Le représentant des musulmans évoque 23 morts dans sa communauté.

"On ne va pas se livrer à un décompte macabre pour savoir qui a le plus souffert", intervient le général Soriano. "Une des clés de la paix, c'est le désarmement, mais si nous, Sangaris (le nom de code de l'opération française en Centrafrique), pouvons désarmer les mains, il va falloir aussi désarmer les esprits et les coeurs".

"La nuit dernière, il n'y a pas eu de tirs", se félicite le capitaine Olivier. "Mais je ne suis pas innocent, je sais que toutes les armes n'ont pas été détruites."

Selon les militaires français, 10.000 personnes, soit autant que la population actuelle de la ville, sont cachées en brousse. "Sans doute des (miliciens chrétiens) anti-balaka", confie la sous-préfète, elle-même de confession chrétienne.

"On veut aussi la paix mais ça va se passer comment?", interroge Victor Kifo, le représentant des anti-balaka, visiblement dubitatif. "On n'accuse pas la communauté religieuse musulmane. Ceux qu'on accuse, ce sont les groupes armés tchadiens", lance-t-il, en référence à l'ex-rébellion de la Séléka, majoritairement centrafricaine mais comptant aussi Tchadiens et Soudanais.

"Je suis centrafricain et je suis musulman. L'ancien sous-préfet de Boda était mon cousin et il est chrétien!", lance Ousmane Abdourahmane, un vétérinaire. "Il faut qu'on élimine les rétroviseurs et qu'on allume les projecteurs pour regarder devant!"

"Mademoiselle Carole", la jeune institutrice qui a trouvé abri avec près de 3.000 autres chrétiens autour de l'église, se dit "un peu triste".

"Nous, les femmes de cette ville, nous prions les hommes pour qu'ils arrêtent avec leurs armes", explique-t-elle. "Les femmes souffrent à l'église catholique quand elles entendent leurs enfants pleurer parce qu'ils ont faim. Je suis sûre que les femmes souffrent aussi côté musulman. Nous demandons aux hommes qui sont aux champs avec leurs armes de venir tout doucement les déposer..."

Au bout d'une heure de discussion, la sous-préfète promet de faire son rapport à Bangui et de parler "personnellement au ministre" de l'Administration du territoire.

Avec un petit bémol: "Je reviendrai mais avant, il faut qu'il y ait la sécurité", dit-elle.

alc/xbs/mba

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