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Philippe Jaroussky, voix d'ange et artiste prudent dans les pas de Farinelli

Philippe Jaroussky, voix d'ange et artiste prudent dans les pas de Farinelli

A 35 ans, le Français Philippe Jaroussky est le contre-ténor le plus célèbre de sa génération mais aussi le plus prudent, veillant à ne pas brûler sa "voix d'ange" dans des opéras trop lourds et préférant cultiver l'art "plus naturel" du récital.

Le chanteur lance mercredi à Los Angeles une grande tournée américaine avec le Venice Baroque Orchestra, construit autour de "Farinelli-Porpora", son disque d'airs composés pour le légendaire castrat Farinelli.

Le récital, qui fait partie de la saison du Philharmonique de Los Angeles (LA Phil), se tiendra au Walt Disney Concert Hall, l'écrin construit pour l'orchestre par Frank Gehry, où Philippe Jaroussky n'a encore jamais chanté mais dont il connaît l'acoustique impressionnante.

"Je n'ai pas une voix immense, même si j'ai une voix qui projette beaucoup mieux qu'avant", explique-t-il à l'AFP. "Mais quand on est un jeune chanteur et qu'on se retrouve dans une grande salle, on a toujours tendance à être inquiet et à se demander: +Est-ce que les gens m'entendent suffisamment?+".

"Et puis on se rend compte que plus on pousse la voix, moins on vous entend. Il faut pas mal de recul et de métier pour juste chanter comme on chanterait chez soi, quelle que soit la taille de la salle", ajoute-t-il.

Avec quinze ans de carrière derrière lui, ce grand gaillard au visage enfantin n'a plus rien d'un débutant, et peut déjà faire un premier bilan.

"Curieusement ma tessiture n'a pas réellement changé depuis mes débuts. C'est plutôt la manière de chanter: ma voix a gagné en projection, en largeur, en brillance", précise l'artiste, qui subjugue le public avec ses pyrotechnies vocales -- au point d'avoir été surnommé "la mitraillette".

D'une santé vocale insolente, il assure néanmoins être très prudent. "On parle souvent de sopranos et de ténors qui vont se brûler les ailes dans un répertoire trop large pour leur voix. C'est aussi un danger pour le contre-ténor", observe-t-il.

"Mais je pense que j'ai la chance de jouer la plupart du temps avec des orchestres baroques, donc des formations assez réduites, plus adaptées à ma voix que si je me retrouvais avec un orchestre moderne de cent musiciens", avec qui il faut "pousser" davantage pour se faire entendre, souligne-t-il.

"Et il y a des façons de se protéger: cela fait dix-sept ans que je chante mais je prends toujours des cours de chant, pour conserver la santé vocale, ne pas dénaturer la technique, trouver un moyen pour que la voix sonne le plus librement possible dans le corps", dit-il.

Son autre secret pour ne pas se mettre en danger: limiter son activité lyrique à "une ou deux productions bien choisies par an". Car "dans le récital, c'est moi qui construis le programme. A l'opéra, il faut se plier à un rôle", pas forcément entièrement adapté à sa voix.

"C'est aussi lié à la nature de ma voix, qui n'est ni alto (grave) ni soprano léger (très aigu). Cela peut être aussi dangereux pour une voix de contre-ténor de chanter trop grave que de chanter trop aigu", explique-t-il.

Cette prudence vis-à-vis de l'opéra, guère partagée par ses collègues sur le circuit international, n'est pas pour autant une défiance. "L'opéra est fondamental pour un chanteur classique. C'est quelque chose qui permet de travailler plus en profondeur", remarque-t-il. "Le récital réclame une préparation courte alors qu'à l'opéra, vous allez travailler sur la mise en scène et aller beaucoup plus en profondeur musicalement avec le chef d'orchestre, en répétant les cinq mêmes airs pendant un mois. Le temps de préparation et la maturation sont différents".

Mais le terrain préféré de Philippe Jaroussky reste le récital. "Ce qui est toujours un peu complexe pour moi à l'opéra, c'est de devoir représenter quelqu'un d'autre, un empereur, un roi ou un prince ou je ne sais quoi d'autre", indique-t-il.

"Pour moi, le récital est quelque chose de plus naturel. Être juste moi, sur scène, avec des musiciens, et être en partage avec un public face à moi, c'est quelque chose qui me plaît beaucoup".

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