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La longue avenue Koudoukou balafre Bangui de ses assassinats et pillages

La longue avenue Koudoukou balafre Bangui de ses assassinats et pillages

La longue et dangereuse avenue Koudoukou s'engouffrant dans le quartier Miskine pour toucher PK5, le sanctuaire des musulmans, balafre Bangui de ses assassinats et pillages continuels. Désertée, redoutée par ses habitants, elle sent la mort et la désolation.

Cette zone du centre et le quartier Combattant, près de l'aéroport, sont les deux quartiers encore minés par des violences extrêmes dans la capitale centrafricaine. Les autres sont relativement calmes et reprennent vie. Beaucoup de musulmans, constamment menacés par les milices chrétiennes "anti-balaka" et les voyous, ont fui les quartiers mixtes après les tueries massives de début décembre, suivies depuis par des exactions quotidiennes.

Dès le petit matin, un scénario de guérilla urbaine se met en place sur Koudoukou. Des hommes sortis de Galababa, quartier proche, commencent à harceler les rares musulmans de Miskine qui n'ont pas eu le temps, la sagesse ou, le plus souvent, les moyens de fuir leurs maisons.

Deux explosions retentissent. "Ce sont des grenades, ils les font exploser en les attachant à des bonbonnes de gaz pour nous impressionner", explique Guei, musulman vêtu d'une djellaba blanche peu discrète dans ce milieu hostile.

Depuis la prise du pouvoir par l'ex-rébellion Séléka - à majorité musulmane - dirigée par Michel Dojtodia en mars 2013, la Centrafrique s'est enfoncée dans le chaos et une spirale de violences intercommunautaires sans précédent.

En réaction aux exactions commises par les Séléka sur une population majoritairement chrétienne, des milices paysannes anti-balaka, apparues en septembre dans le nord-ouest du pays, traquent désormais sans relâche Séléka et civils musulmans qui n'avaient pourtant rien demandé.

Ni la démission du président Djotodia le 10 janvier, ni l'élection d'une femme respectée, Catherine Samba Panza, à la tête du pays n'ont pour l'instant calmé leur colère.

Après les explosions, une nuée de pillards surgit pour fondre sur les maisons abandonnées dans la nuit par les musulmans. Ils sont jeunes, très pauvres comme l'on peut l'être dans un pays classé au tréfonds de l'indice de développement humain (IDH) des Nations unies.

L'un d'eux vient d'être tué par balle, son corps gît en plein milieu de l'avenue, couvert par un tissu blanc.

Il est entouré par des soldats français, arrivés le 5 décembre dans le pays en renfort de la force de l'Union africaine (Misca). "On vient d'arriver", explique un sous-officier. "On attend l'arrivée de la Croix-rouge pour emporter le corps".

Guei précise: "Celui-là, c'est un chrétien pillard. Un musulman défendait sa maison, il l'a tué".

Une vingtaine de soldats burundais de la Misca se lancent aux trousses des pillards, d'autres remontent sur les côtés de l'avenue.

Les Burundais tiennent aussi un immeuble de trois étages, occupé depuis des jours par une vingtaine de musulmans armés, assaillis par les chrétiens. "Ils ont gagné, les Burundais les défendent", commente un voisin chrétien.

Plus bas, la mosquée où officiait comme imam le père de Noureddine Adam, l'un des chefs de l'ex-rébellion Séléka, vient d'être détruite. Elle était encore intacte deux jours auparavant.

A descendre lentement l'avenue bordée de véhicules brûlés vers PK5, on croise de plus en plus de petits groupes de musulmans silencieux, aux aguets.

En face du "pressing Belle, ex-pressing Neige", est garé un pick-up de policiers tchadiens - lourdement armés pour des policiers. Vraisemblablement des militaires, même si officiellement les soldat tchadiens de la Misca ont quitté Bangui pour se redéployer dans le nord, leur rôle ambigu et leur supposée proximité avec la Séléka ayant été très critiqués par la population chrétienne.

Leur présence sécurise l'entrée de PK5, où de gros camions surchargés de marchandises attendent une escorte tchadienne pour partir vers le nord.

Les violences n'ont pas interrompu la forte activité marchande au marché Sambo, où l'on se mélange encore: vendeuses chrétiennes de manioc, oignons et feuilles vertes, commerces musulmans d'électro-ménager et de mobilier...

Ce sanctuaire permet d'oublier un temps l'autre Bangui, impitoyable envers les civils musulmans. Mais au centre, la cour de la mosquée centrale est envahie de déplacés, traqués dans les quartiers mixtes, venus se terrer ici.

Pour Léonce, un chrétien, la raison de cet acharnement est simple: "Dans une maison (famille) où il y a eu un Séléka, ils sont tous Séléka".

jpc/cl/mba

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