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Les "rouleaux de Marega", témoignage exceptionnel sur la persécution des chrétiens au Japon

Les "rouleaux de Marega", témoignage exceptionnel sur la persécution des chrétiens au Japon

Lorsque le 15 janvier le pape François a cité en exemple la résistance des chrétiens japonais au 17e siècle, il n'imaginait pas que serait annoncée quelque jours plus tard la découverte exceptionnelle dans les archives du Vatican d'une masse de documents sur ces persécutions et cette résistance.

Ces 10.000 documents sur papier de riz, baptisés "rouleaux de Marega", du nom du père Mario Marega qui les a amassés dans le sud du Japon au 20e siècle, constituent une mine d'informations sur la persécution des chrétiens durant l'époque Edo (1603-1867).

En vertu d'un accord entre la Bibliothèque vaticane et le gouvernement japonais, ces documents vont être étudiés pendant six ans, notamment par des chercheurs de l'Institut national de littérature du Japon.

"Cette quantité exceptionnelle de documents décrit les persécutions et la privation de liberté religieuse", explique le directeur de cet Institut, le professeur Kazuo Otomo.

Tous ces documents apportés au Vatican par le père Marega dormaient jusqu'à ce qu'un chercheur, Delio Proverbio, tombe dessus fin 2010.

A partir de 1603 et pendant plus de deux siècles, le Japon, par peur d'être colonisé, se ferma totalement au monde extérieur: les Japonais ne pouvaient quitter le pays sous peine de mort, des étrangers n'étaient autorisés à poser le pied sur l'archipel qu'en très peu d'endroits, notamment les Hollandais sur Dejima, une presqu'île artificielle dans le port de Nagasaki.

Martyre de la bombe atomique en 1945, Nagasaki abrite toujours un austère monument à la mémoire d'autres martyrs, 26 chrétiens qui y furent crucifiés en 1597.

Pour les shoguns (chefs de guerre) du Japon des samouraïs, la foi chrétienne constituait un grave danger pour l'archipel, l'avant-garde de puissances étrangères, et elle fut donc interdite.

Les missionnaires étrangers furent expulsés, certains cachés par les fidèles, quant aux Japonais convertis, on les força à abjurer leur foi.

Ceux qui refusèrent furent torturés et exécutés.

Avant cette décision, le christianisme était en plein essor, notamment au sud.

"Certains de ces documents détaillés pourraient donner un nouvel éclairage sur la façon dont les chrétiens ont alors gardé leur foi", estime Rumiko Kataoka, expert de l'histoire chrétienne à l'Université catholique Junshin de Nagasaki.

Ce sont ces martyrs et ces "survivants" que Jorge Mario Bergoglio a évoqué à la mi-janvier place Saint-Pierre en invitant notamment les "chers frères et soeurs de langue arabe" à prendre l'exemple de "l'Eglise japonaise qui s'était repliée dans la clandestinité au 17e siècle pendant près de deux siècles et demi", sachant "transmettre d'une génération à l'autre la flamme (...) de la foi".

Au Japon, "alors que tous les prêtres étaient déportés et que des milliers de croyants étaient tués, les chrétiens continuaient à se rassembler en secret".

Quand les missionnaires revinrent, avait poursuivi François, "des milliers de croyants" sont sortis de l'ombre et les missionnaires découvrirent "une Eglise florissante".

Les "rouleaux de Marega" sont d'autant plus importants qu'à la fin du superbe isolement du Japon à la moitié du 19e siècle, la plupart des documents sur ces persécutions avaient été perdus ou détruits.

Le père Marega avait rassemblé ces témoignages uniques lorsqu'il vivait sur l'île méridionale de Kyushu, avant et pendant la deuxième guerre mondiale. Il emporta ensuite ses "trésors" à Tokyo, puis en Italie où il mourut en 1978.

Ses "rouleaux" racontent l'étroite et méthodique surveillance des chrétiens: vérification de l'appartenance religieuse, comptabilité des conversions, surveillance des parents et enfants d'ex-chrétiens...

On découvre également que les habitants de la région soupçonnés de chrétienté étaient forcés de piétiner des images du Christ ou de la Vierge Marie.

Selon le professeur Otomo, seulement trois de la vingtaine de paquets de documents ont été ouverts.

"C'est une étude sur les chrétiens, mais cela va plus loin. Cela peut nous mener à une étude sur les échanges culturels et sur la façon de traiter la liberté de croyance", explique-t-il.

Quand il avait 20 ans, le futur jésuite Bergoglio voulait devenir missionnaire au Japon, mais il n'avait pas pu à cause de l'ablation d'une partie d'un poumon.

Selon la Conférence épiscopale catholique du Japon, le pays comptait fin 2012 exactement 444.441 catholiques.

hih-jlh/kap/pn/pt

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