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Les négociations syriennes, travail d'Hercule de Lakhdar Brahimi

Les négociations syriennes, travail d'Hercule de Lakhdar Brahimi

Le face à face inédit entre régime et opposition, en guerre depuis trois ans en Syrie est pour lui un succès en soi. A 80 ans, le médiateur international Lakhdar Brahimi affiche humour, fermeté et surtout un pragmatisme désarmant dans les négociations ardues qu'il mène entre les deux camps à Genève.

C'est par le truchement de ce diplomate expérimenté que depuis le 25 janvier les délégations des belligérants "dialoguent" au siège de l'ONU. C'est aussi lui qui tient chaque jour un debriefing pour annoncer aux journalistes l'absence d'une véritable "percée" entre un régime déterminé à rester au pouvoir et une opposition décidée plus que jamais à le renverser.

Car l'octogénaire algérien, chevelure blanche et lunettes carrées noires, est bien conscient que ce premier round de pourparlers, organisé sous la pression des Américains, soutiens de l'opposition, et des Russes, alliés du régime, n'aura aucun impact sur les combats qui apportent leur lot quotidien de morts en Syrie.

"Je ne suis pas déçu, je n'attendais pas un résultat", a déclaré mercredi, le médiateur résumant son état d'esprit.

Répétant qu'il était "satisfait" que les deux parties soient réunies dans une même salle, il a clairement dit n'avoir "jamais attendu des miracles", prévenant le monde qu'il n'y aura pas de solution "ni demain, ni après-demain, ni la semaine prochaine".

Investi d'une mission quasi-impossible, il n'hésite pas à recourir à l'humour quand un journaliste lui demande comment il allait rapprocher les points de vue. "Si vous avez des idées, je suis preneur, avec plaisir", réplique-t-il, avec un sourire entendu.

L'humour dontil use aussi pendant ces réunions à huis clos. "Au rythme où nous sommes partis, il nous faudra 20 ans. Il faudrait vous dépêcher, dans 20 ans je ne serai plus là", a-t-il lancé une fois, selon l'un des participants.

Mais sa souplesse diplomatique n'exclut pas la fermeté. Face une attaque personnelle lancée par un membre d'une délégation, M. Brahimi n'a pas hésité à le rappeler vertement à l'ordre, selon une source proche des négociations.

Du côté de l'opposition, on relève l'importance qu'il soit un médiateur arabe. "Je pense que le fait qu'il parle l'arabe, qu'il comprenne la culture, joue un rôle", indique à l'AFP Rafif Jouejati, une porte-parole.

"Notre délégation a exprimé sa gratitude à M. Brahimi, pour avoir facilité la discussion et pour lui avoir donné l'occasion de présenter au dictateur sa vision d'une nouvelle Syrie".

D'après ceux qui le connaissent, ce vétéran de la diplomatie n'a jamais mâché ses mots.

"Pour un diplomate, Lakhdar a un franc-parler et une honnêteté qui sont atypiques. Je pense que cela permet de lui faire confiance assez rapidement", affirme à l'AFP Fred Eckhard, ancien porte-parole de l'ex-patron de l'ONU Kofi Annan.

M. Brahimi est doté également d'une "patience sans bornes pour un homme qui a atteint ses 80 ans" et d'une "capacité d'écoute absolument exceptionnelle", souligne Ghassan Salamé, doyen de l'École des Affaires Internationales à Sciences-Po Paris, qui a beaucoup côtoyé le diplomate.

"Il recherche constamment les 'soft spots' (points faibles, ndlr) chez les bélligérants et (poursuit) l'objectif final en dépit des vicissitues du chemin".

"Je suis souvent accusé d'être lent, je pense que c'est bien plus rapide que la précipitation", a-t-il dit aux journalistes dans l'attente de résultats.

Kofi Annan, son prédecesseur au poste de médiateur pour la Syrie, avait en août 2012 baissé les bras après cinq mois. La nomination ensuite de M. Brahimi, ex-chef de la diplomatie algérienne, a laissé d'ailleurs certains observateurs sceptiques.

Ce père de trois enfants était sorti une nouvelle fois de sa retraite, après avoir été l'émissaire de l'ONU en Afghanistan après les attentats du 11 septembre 2001, puis en Irak après l'invasion de 2003.

Maîtrisant le français et l'anglais, il s'est fait connaître en 1989 en contribuant à l'accord de Taef mettant fin à 15 ans de guerre civile au Liban.

Envoyé spécial de l'ONU dans différents points chauds de la planète, il avait notamment dirigé la mission de l'ONU en Afrique du Sud pendant les élections de 1994 qui ont amené au pouvoir Nelson Mandela, puis est envoyé au Yémen en pleine guerre civile.

Il fait partie du groupe des "Elders" (anciens), qui réunit des personnalités oeuvrant au règlement des conflits comme Jimmy Carter, Kofi Annan ou Desmond Tutu.

"Optimiste forcené", il a affirmé un jour que jamais dans sa carrière il n'avait cru "qu'une situation était sans espoir".

ram/pjt/ros

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