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Les longues vacances du Nouvel An lunaire mauvaises pour les affaires au Vietnam

Les longues vacances du Nouvel An lunaire mauvaises pour les affaires au Vietnam

Boutiques pleines à craquer, circulation folle et cerisiers en fleurs à chaque coin de rue ne peuvent vouloir dire qu'une seule chose à Hanoï: une nouvelle année lunaire commence vendredi.

Néanmoins cette fête à rallonge, sacrée en Chine comme au Vietnam, où elle s'appelle le "Têt", suscite des critiques cette année.

L'événement engendre certes un pic de consommation. Mais il implique aussi un gel des activités: officiellement cinq jours chômés pour tous, porté à neuf pour les fonctionnaires cette année.

De facto, presque tout s'arrête au Vietnam pendant près de deux semaines. Plus qu'en Chine et ses cinq jours chômés.

"Les longs congés et la basse productivité pendant les semaines autour du Têt sont un problème pour le développement du Vietnam", critique une économiste réputée, Pham Chi Lan, dans un récent éditorial dans le journal DanViet, contrôlée par l'État communiste comme toute la presse du pays.

"C'est difficile de mener à bien quoi que ce soit car l'humeur n'est pas au travail", notamment dans les administrations et les entreprises publiques, argumente l'économiste.

Dans cette tribune ayant fait polémique, elle appelle le gouvernement à réduire le nombre de jours chômés alloués.

En effet, pour le Têt, les villes se vident au profit des campagnes. Impossible d'envoyer un colis à l'étranger, les douaniers réveillonnent.

De plus, de nombreux fonctionnaires prennent de longues vacances "officieuses".

"Le Vietnam essaie de s'intégrer à l'économie mondiale. Mais le blocage annuel du Têt rend l'économie et les décisions gouvernementales encore moins efficaces", affirme Carl Thayer, expert du Vietnam.

Amputer les fêtes du Têt se heurterait à une tradition très ancrée: proches et employeurs offrent alors des cadeaux et des enveloppes rouges remplies de billets.

Les festins arrosés se suivent. Des offrandes sont faites aux ancêtres et aux esprits de la maison. Temples bouddhistes et pagodes sont pleins.

Les fêtes du Têt ont pris de l'ampleur, notamment lors des années 1990, marquées par une forte croissance avec l'ouverture du régime à l'économie de marché.

Outre Pham Chi Lan, plusieurs voix s'élèvent contre cette soif de consommation frénétique.

"Le Têt ne convient pas à l'économie moderne", explique l'avocat Tran Dinh Thu dans le journal Vietweekly.

Il met en avant le fait que le revenu mensuel moyen au Vietnam n'est que de 63 dollars et que l'économie est en berne par rapport aux années 1990, avec une multiplication des faillites.

La croissance a certes été de 5,43% en 2013, un peu mieux qu'en 2012, pire performance depuis plus d'une décennie.

"Beaucoup de personnes se sont endettées pour leurs dépenses du Têt", critique Thu.

Tran Manh Cuong, directeur d'une société d'ingénierie, critique quant à lui les cadeaux du Têt que les entreprises se doivent de faire à leurs clients, bouteilles de whisky et gâteaux transportés par une nuée de livreurs à mobylettes.

"Je n'aime pas les vacances du Têt", dit-il, expliquant que la plupart de ses clients sont japonais et ont du mal à comprendre que son entreprise soit paralysée pendant deux semaines.

Cuong affirme devoir payer des sommes "indécentes" en heures supplémentaires, pour convaincre ses employés de travailler durant les vacances, afin de garder l'entreprise active.

"Un Têt plus court serait probablement mieux", juge-t-il.

Pour le gouvernement, qui n'envisage pas de tailler dans ces jours fériés, ceux-ci ont pour vertu de "faciliter les départs en vacances et la célébration des rituels du Têt en famille".

Mais Jonathan London, de la City University de Hong Kong, affirme que c'est surtout un outil de paix sociale, pour ne pas s'aliéner le soutien des fonctionnaires, alors que le gouvernement vietnamien est confronté à une impopularité croissante.

Cette longue période de repos est un bon exemple de la "politique corporatiste" menée par l'État vietnamien, où "les fonctionnaires sont des acteurs clefs" de la survie du régime à parti unique, explique-t-il.

Plus largement, ces vacances prolongées "sont conçues pour calmer le mécontentement du public à l'égard du gouvernement", analyse aussi Carl Thayer.

Ceci étant, le Vietnam ne compte que dix jours chômés au total, bien en deçà de ses voisins comme le Cambodge (27 jours) ou la Thaïlande (14 jours).

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