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Lafortune-Dupuis, une amitié patronale-syndicale peu ordinaire

Lafortune-Dupuis, une amitié patronale-syndicale peu ordinaire

L'ex-vice-président des Grues Guay Louis-Pierre Lafortune et l'ex-directeur général de la FTQ-Construction Jocelyn Dupuis entretenaient d'étroits liens d'amitié qui débordaient largement du cadre normal des relations qu'un patron entretient avec un chef syndical.

Un texte de François Messier

Lire aussi dans ce texte : commission de 1 M$ pour Denis Vincent

Ces liens ont été mis en lumière dans le cadre du témoignage que M. Lafortune, accusé de gangstérisme au terme de l'opération Diligence, a livré devant la commission Charbonneau le 3 décembre. La levée partielle de l'interdit de public nous permet maintenant de révéler en partie ce qu'il a dit.

Louis-Pierre Lafortune dit avoir connu Jocelyn Dupuis après son arrivée chez Fortier Transfert, une compagnie de grues, vers l'an 2000. Le syndicaliste, a-t-il rappelé, avait fondé le local des grutiers 791-G à la FTQ-Construction, et il connaissait plusieurs de ses employés.

L'amitié qui nait entre les deux hommes prend par la suite des proportions étonnantes. La commission a ainsi montré une télécopie envoyée à l'hôtel Bellagio's de Las Vegas dans laquelle Louis-Pierre Lafortune autorise l'institution à le facturer pour un séjour de Jocelyn Dupuis et deux autres personnes du 25 au 28 mai 2008.

« C'est visiblement moi qui ai signé ça en bas, mais c'est pas moi qui ai écrit ça, là, puis... ça fait que je le sais pas pourquoi », a laissé tomber Lafortune au sujet de ce document, qui avait été saisi dans son bureau. « Si c'est moi qui ai pris la réservation, je peux pas vous assurer que c'est moi qui ai payé. »

Le procureur Paul Crépeau a argué qu'il s'agissait d'un séjour que l'homme d'affaires a payé au syndicaliste, à sa femme et à sa fille, à l'occasion du 21e anniversaire de cette dernière, mais le témoin n'a ni confirmer ni infirmer ces dires, après avoir eu beaucoup de mal à se souvenir de cet évènement.

Louis-Pierre Lafortune a dit croire qu'il avait réservé des billets pour être au même étage du même hôtel que Jocelyn Dupuis lors d'un congrès de syndicats internationaux, qu'il aurait pu agir de la sorte parce qu'il avait un rabais, et n'a jamais voulu confirmer qu'il avait payé la note.

« Si j'ai réservé des billets, c'était dans le cadre que j'étais là », a commenté M. Lafortune. « J'aurais de la misère à comprendre que j'aurais réservé sans y avoir été. Puis je me rappelle d'avoir été à Las Vegas en même temps que M. Dupuis, sa femme, je m'en rappelle. Puis sa fille, je me rappelle pas si elle était là. »

L'homme d'affaires n'a pu expliquer pourquoi la FTQ-Construction ne s'était pas occupé de cette affaire elle-même.

Il payait les contraventions de Dupuis

D'autres conversations téléphoniques avec Denis Gauvin, aussi vice-président chez Grues Guay, montrent que Louis-Pierre Lafortune a payé au moins trois contraventions à Jocelyn Dupuis en utilisant les comptes de dépenses de Grues Guay.

Dans une conversation du 3 février 2009, M. Gauvin évoque une facture de 206 $ soumise par Richard Goyette, alors directeur général de la FTQ-Construction. « C'est le nouveau, c'est celui qui remplace Jocelyn. Il coûte pas mal moins cher que lui », lui explique M. Lafortune.

M. Lafortune s'est montré peu loquace lorsqu'interrogé sur les raisons l'ayant poussé à assumer les factures de Jocelyn Dupuis. « C'est un bon ami, puis... C'était comme ça. »

Plus tôt dans son témoignage, l'ex-vice-président des Grues Guay avait déclaré ne pas avoir eu de traitements de faveur de la part de Jocelyn Dupuis: « J'avais des liens professionnels avec Jocelyn, on est devenus amis. [...] Quand c'était le temps de se chicaner puis de prendre position, je peux vous garantir quelque chose, là... il donnait pas sa place. »

Transaction Fortier Transfert-Grues Guay : commission de 1 M$ pour Denis Vincent

Le témoignage de Louis-Pierre Lafortune a également permis d'apprendre que Denis Vincent, un homme considéré proche des Hells Angels par la police, a empoché une commission d'un million de dollars dans le cadre de l'achat de Fortier Transfert par son concurrent Grues Guay, en 2004.

M. Lafortune, lui-même passé chez Grues Guay dans la foulée, soutient avoir versé cette somme lui-même, à la demande de M. Vincent, qui était impliqué dans les tractations entre les deux compagnies depuis un bon moment. Selon M. Lafortune, il représentait en fait Jean-Marc Baronet, grand patron des Grues Guay.

« M. Vincent [...] c'est lui qui a facilité cette transaction-là », a dit M. Lafortune. « Pour finir cette transaction-là, à un moment donné, je me suis entendu qu'il aurait un million qu'il ferait de commission à quelque part », a-t-il ajouté, sans pouvoir donner beaucoup de détails à ce sujet.

Le rôle de Denis Vincent dans la transaction en question a été longuement décortiqué plus tôt cet automne par un enquêteur de la commission Guy Desrosiers.

Rappelons que Denis Vincent a été qualifié de « courtier fantôme » de Jean Lavallée par l'enquêteur de la commission Michel Comeau. M. Lavallée a nié ces allégations.

Une écoute électronique entre Michel Arsenault et son conseiller politique Gilles Audette entendue plus tôt cet automne montrait que les deux hommes s'inquiétaient du rôle que M. Vincent avait joué dans cette histoire.

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