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La chute de la livre turque stoppée par la hausse des taux d'intérêt, contre l'avis du gouvernement

La chute de la livre turque stoppée par la hausse des taux d'intérêt, contre l'avis du gouvernement

La banque centrale turque est parvenue mercredi, au moins temporairement, à enrayer la dégringolade impressionnante de la livre en recourant à une hausse massive de ses taux d'intérêt, malgré l'avis contraire du gouvernement d'Ankara.

Dans la foulée de la décision de la banque, la devise turque (LT) a rebondi et s'échangeait en fin de matinée autour de 2,20 LT pour un dollar et de 3,00 LT pour un euro, contre respectivement 2,26 LT et 3,09 LT mardi.

A l'issue d'une réunion nocturne de son comité de politique monétaire, l'institution financière a augmenté son taux d'intérêt au jour le jour de 7,75 à 12% et son taux hebdomadaire repo de 4,4 à 10% pour contenir "l'impact négatif" de la chute de la livre "sur l'inflation et la stabilité macroéconomique".

Ces mesures de "resserrement monétaire seraient maintenues jusqu'à une amélioration significative des prévisions d'inflation", a-t-elle justifié.

Après l'échec patent de ses précédentes interventions sur les marchés, les analystes ont applaudi des deux mains ce changement complet de stratégie.

"La hausse attendue des taux et le retour à l'orthodoxie sont enfin là", s'est réjoui Deniz Ciçek, de la Finansbank d'Istanbul. "Ce mouvement vers un cadre d'intervention plus simple et l'engagement à mettre en oeuvre une politique monétaire stricte jusqu'à une amélioration significative des prévisions d'inflation ont satisfait les marchés", a-t-il noté.

Cette décision de la banque centrale turque a défié les recommandations du gouvernement, hostile à tout recours à l'arme des taux par crainte d'affecter la croissance et de creuser les déficits publics déjà élevés du pays (+ de 7%).

Juste avant le coup d'envoi de sa réunion, M. Erdogan a ainsi clairement mis en garde l'institution contre ses conséquences. "Ils seront tenus pour responsables de tout ce qui peut arriver", a-t-il lancé mardi soir.

Interrogé mercredi matin sur la chaîne de télévision NTV, son ministre des Finances Mehmet Simsek s'est montré plus mesuré, se refusant à tout commentaire sur la décision de la banque centrale pour ne pas affecter sa "crédibilité".

"S'ils ont pris une telle décision, je suis sûr que c'est la bonne", a-t-il jugé, "la décision de la banque centrale a éliminé dans une large mesure les inquiétudes des investisseurs".

Depuis des semaines, les marchés attendaient une décision ferme de l'autorité monétaire pour mettre un terme à l'effondrement de la monnaie nationale, en retrait de plus de 30% depuis la mi-2013, qui pèse de plus en plus sur l'économie du pays.

La devise turque a atteint les cours planchers de 2,39 LT pour un doller et 3,27 LT lundi.

Comme les monnaies des autres pays émergents, la livre a subi les effets du resserrement de la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine (Fed). Sa chute s'est accélérée à la faveur de la grave crise politique causée par le scandale de corruption qui éclabousse le régime islamo-conservateur, au pouvoir depuis 2002.

Le gouvernement de M. Erdogan s'est efforcé jusque-là de rassurer les acteurs économiques en évoquant une crise "passagère".

Le ministre des Finances a concédé mercredi une "incertitude liée à une opération politique qui met la livre sous pression", en référence au scandale en cours. "Si nous prenons les bonnes décisions (...) nous pouvons limité les risques sur la croissance", a-t-il ajouté.

Le gouvernement a jusque-là persisté à maintenir sa prévision de croissance de 4% pour 2014, mais la plupart des analystes ont révisé les leurs à la baisse.

L'inflation constitue une autre source d'inquiétude. Le gouverneur de la banque centrale Erdem Basci a ainsi révisé à la hausse de sa prévision d'inflation pour l'année 2014, de 5,3% à 6,6%, proche des estimations de la plupart des analystes.

Si la hausse des taux a levé la pression immédiate qui pesait sur sa monnaie, la Turquie n'est pas encore sortie de la tourmente, a souligné la plupart d'entre eux, notamment dans l'attente d'un nouveau resserrement de la politique monétaire américaine.

"La Turquie reste dans le peloton des pays émergents les plus fragiles", a jugé Neil Shearing, de la firme londonienne Capital Economics. "Si le gouvernement ne suit pas la banque centrale, aussi bien en resserrant sa politique fiscale qu'en abandonnant sa rhétorique agressive, le pays restera vulnérable aux turbulences des marchés".

fo-pa/ros

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