Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Violences sexuelles dans les écoles catholiques: la CEDH condamne l'Irlande

Violences sexuelles dans les écoles catholiques: la CEDH condamne l'Irlande

Quarante ans après les faits, une Irlandaise, victime de sévices sexuels, a obtenu mardi la reconnaissance par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) que son pays aurait dû être plus vigilant face aux abus sexuels commis dans les écoles catholiques financées par l'Etat.

Cet arrêt constitue une première concernant les abus sexuels dans les écoles irlandaises, a précisé la CEDH.

La Cour a condamné l'Irlande pour n'avoir pas suffisamment protégé Louise O'Keeffe, âgée de 9 ans au moment des sévices commis par le principal laïc d'une école "nationale", école primaire sous administration catholique à financement public.

Or l'Etat irlandais ne pouvait ignorer "plusieurs rapports couvrant la période allant des années 1930 aux années 1970", qui auraient dû alerter les autorités locales sur le risque d'abus sexuels sur mineurs commis par des adultes dans ces écoles, ont noté les juges de Strasbourg.

L'État irlandais a néanmoins continué à confier la gestion de l'enseignement primaire dispensé à une vaste majorité de jeunes enfants irlandais à des institutions catholiques, sans mettre en place un dispositif de contrôle public propre à éviter le risque de tels abus, ont-ils déploré.

"Au contraire, les personnes souhaitant se plaindre d'enseignants étaient dissuadées de s'adresser aux autorités de l'État et orientées vers les directeurs des écoles nationales (généralement des prêtres locaux)", ont-ils relevé.

Louise O'Keeffe, aujourd'hui âgée de 49 ans, s'est dite "ravie" de cette décision de la justice européenne, "très importante pour les élèves de notre pays. Nous nous sommes battus pour les enfants des écoles, pour la protection des très jeunes garçons et filles", a-t-elle dit à la radio nationale irlandaise RTE.

Un de ses avocats, Ernest Cantillon, s'est, lui, réjoui que la CEDH ait ainsi placé l'Etat irlandais "clairement devant ses responsabilités".

Cette décision ouvrirait la voie, selon la presse irlandaise, à plus de 200 demandes d'indemnisation en Irlande. Me Cantillon a évalué ce chiffre à "environ 135".

"Il s'agit d'un pan profondément honteux de notre histoire récente", a reconnu de son côté le ministère irlandais de l'Education dans un communiqué, tout en soulignant avoir depuis mis en place de "solides mesures de protection de l'enfance".

Les mécanismes de détection, à l'époque, n'avaient clairement pas fonctionné, près de 400 incidents similaires ayant été signalés dans la seule école qu'avait fréquentée Mme O'Keeffe, à Dunderrow.

A la suite de plaintes à son encontre, le principal de l'école, un enseignant laïc connu sous les initiales de L.H., avait fini par quitter l'établissement, mais avait été aussitôt recruté dans une autre "école nationale", où il enseigna jusqu'à sa retraite en 1995.

Dans les années 1990, il fut finalement accusé de 386 chefs d'abus sexuels commis sur 21 anciens élèves de l'école nationale, dont Louise O'Keeffe.

En 1998, L.H. plaida coupable et fut condamné à une peine d'emprisonnement. La même année Louise 0'Keeffe a obtenu plus de 50.000 euros par une Commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales.

Mais Mme O'Keeffe voyait également la responsabilité de l'Etat engagée dans cette affaire. Elle avait engagé alors une action civile contre L.H. et les pouvoirs publics irlandais.

Fin 2006, la High Court de Dublin avait finalement octroyé à Mme O'Keeffe plus de 305.0000 euros de dommages et intérêts payables par L.H.. Celui-ci s'étant dit incapable de payer une telle somme, Louise 0'Keeffe a obtenu des paiements par mensualités de 400 euros, et a perçu environ 30.000 EUR à ce jour, a précisé la CEDH.

Par 11 voix contre 6, les juges de son instance suprême, la Grande Chambre, ont conclu à une violation de l'article de la Convention européenne des droits de l'homme interdisant les "traitements inhumains ou dégradants". La CEDH a aussi dénoncé "l'impossibilité pour la requérante de faire reconnaître ce manquement par les juridictions nationales" irlandaises.

Dans son arrêt, la CEDH souligne que "la protection des enfants contre les mauvais traitements constitue une obligation inhérente à la mission d'un État, en particulier dans le contexte de l'enseignement primaire. Or cette obligation n'a pas été remplie par l'État irlandais".

Louise 0'Keeffe s'est vue allouer par la CEDH 30.000 euros pour dommage matériel et moral et 85.000 euros pour frais de justice.

mct/yo/bir/gg

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.