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Turquie : la banque centrale prête à augmenter ses taux, malgré l'hostilité d'Erdogan à cette mesure

Turquie : la banque centrale prête à augmenter ses taux, malgré l'hostilité d'Erdogan à cette mesure

La banque centrale turque devait annoncer mardi soir la hausse des taux d'intérêt attendue par les marchés pour endiguer la chute continue de la livre, en dépit de l'hostilité affichée du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan à cette mesure.

Juste avant le coup d'envoi de la réunion d'urgence de son comité de politique monétaire, M. Erdogan a engagé le bras de fer avec l'institution en répétant qu'il était opposé à une telle mesure, pourtant seule capable, selon les analystes, de mettre en terme à la chute de la monnaie nationale qui pèse sur l'économie.

"Je suis opposé à une hausse des taux d'intérêt, comme je l'ai toujours été", a-t-il déclaré à la presse juste avant de prendre l'avion pour une visite en Iran, "mais je n'ai pas l'autorité pour me mêler de cette décision".

"Ils seront tenus pour responsables de tout ce qui peut arriver (...) nous allons voir", a averti le chef du gouvernement, "j'espère et je prie pour que la décision qu'ils prendront soit la bonne, afin qu'une nouvelle période s'ouvre pour notre monnaie".

Convoquée lundi en pleine chute la livre, la banque centrale doit dévoiler son nouvel arsenal à 22h00 GMT, sous la forme d'un communiqué.

Dans la matinée, le gouverneur de la banque Erdem Basci avait clairement ouvert la voie à un changement de stratégie et à une hausse des taux.

"Personne ne doit douter que la banque centrale aura recours à tous les moyens à sa disposition (...) la banque n'hésitera pas à prendre des mesures durables pour resserrer sa politique monétaire si c'est nécessaire", a déclaré M. Basci, qui présentait devant la presse ses prévisions révisées à la hausse pour l'inflation en 2014.

Après l'échec patent de ses précédentes stratégies, tous les analystes tablent sur une hausse "agressive" de plusieurs points du taux d'intérêt au jour le jour, actuellement fixé à 7,75%.

"Nous pensons qu'une hausse des taux doit faire entrer résolument les taux à court terme dans la zone des deux chiffres", a recommandé Inan Demir, de la Finansbank.

Dans l'attente de la réunion, la devise nationale s'est raffermie mardi, s'échangeant en fin de journée à 2,2658 LT pour un dollar et à 3,0947 LT pour un euro, nettement au-dessus des planchers historiques de 2,39 LT et 3,27 LT atteints lundi en fin de matinée.

Depuis la mi-2013, la livre a perdu plus de 30%.

Frappée comme les monnaies des autres pays émergents par le resserrement de la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine (Fed), elle subit de plein fouet depuis plus d'un mois les effets de la crise politique causée par le scandale de corruption qui éclabousse le régime islamo-conservateur, au pouvoir depuis 2002.

Depuis des semaines, la banque centrale a tenté vainement de soutenir la livre en injectant des liquidités par voie d'adjudication. Elle est même intervenue jeudi directement sur les marchés, pour la première fois depuis deux ans, sans plus de résultat.

Malgré le consensus des analystes en faveur d'une hausse des taux, la banque a jusque-là refusé d'y recourir, sous les pressions du gouvernement qui redoute un impact négatif sur la croissance du pays et un creusement un peu plus important des déficits publics (plus de 7%).

Depuis des semaines, tous les ministres ont multiplié les mises en garde contre toute hausse des taux, évoquant une crise "passagère".

"L'économie turque est robuste et continue de se développer de façon durable", avait lui-même assuré mardi M. Erdogan devant les députés de son parti.

Nouveau signe de l'urgence de la situation, M. Basci a annoncé mardi une révision à la hausse de sa prévision d'inflation pour l'année 2014, de 5,3% à 6,6%, se rapprochant ainsi des estimations de la plupart des analystes.

"L'inflation en Turquie est à un niveau élevé (6,2% en 2012 et 7,4% en 2013) et, avec les hausses d'impôts et la faiblesse de la livre, elle va probablement rester forte cette année", a confirmé William Jackson, de Capital Economics.

Si le gouvernement turc persiste pour l'instant à maintenir à 4% sa prévision de croissance pour 2014, la plupart des analystes l'ont déjà revue à la baisse et anticipent un ralentissement de l'activité. Les plus pessimistes agitent même le spectre de la grave crise financière de 2000-2001, qui avait nécessité une intervention urgente du Fonds monétaire international (FMI).

Comme le souligne Kathleen Brooks, de Forex.com, la Turquie cumule deux facteurs d'incertitudes : "des fondamentaux économiques instables, notamment de forts déficits" et un "risque politique important".

BA-pa/sym

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