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Ukraine: pouvoir et opposition dans une lutte tactique à haut risque

Ukraine: pouvoir et opposition dans une lutte tactique à haut risque

L'opposition ukrainienne, qui occupe Kiev mais dit vouloir négocier, et le pouvoir qui lui a proposé des postes au gouvernement mais envisage l'état d'urgence, semblent engagés dans une lutte tactique à haut risque, sous l'oeil jaloux de la Russie et de l'UE.

Pour la première fois en deux mois, par la voix de la ministre de la Justice, le pouvoir a évoqué lundi la possibilité d'instaurer l'état d'urgence. Il a soufflé de chaud et le froid, le ministre des Affaires étrangères affirmant ensuite que ce n'était pas envisagé pour l'heure.

Deux jours avant, le président Viktor Ianoukovitch avait proposé aux deux principaux leaders de l'opposition, Arseni Iatseniouk et Vitali Klitschko, de prendre des postes clefs au gouvernement, dont celui de Premier ministre, et d'accorder plus de pouvoir au Parlement.

La proposition faite samedi n'était "qu'une manoeuvre destinée à diviser l'opposition et à conserver le pouvoir", a estimé Andreas Umland, analyste à l'Académie Kiev-Mohyl.

"Viktor Ianoukovitch a entamé des négociations sur sa capitulation", a estimé à l'inverse le quotidien russe Kommersant, rejoignant l'avis du politologue ukrainien Alexeï Garan, selon lequel le chef de l'Etat pourrait céder une partie de ses pouvoirs à un gouvernement d'opposition afin de finir son mandat comme prévu en 2015, voire partir sous conditions.

Les opposants ont d'abord semblé déroutés par cette offre, qui plaçait le président en homme de compromis, alors que les télévisions du monde entier ont montré des manifestants lançant pavés et cocktails Molotov sur les forces de l'ordre, dans une ville transformée en champ de bataille.

Prenant garde à ne pas rejeter formellement les propositions du président, ils ont finalement appelé à poursuivre la mobilisation, leurs revendications n'étant pas satisfaites: convocation d'élections anticipées, abolition de lois anti-contestation adoptées le 16 janvier et libération de l'ex-Premier ministre et opposante Ioulia Timochenko.

Et ils ont répété lundi être prêts à "poursuivre les négociations", tout en avertissant que "la patience des gens mis en colère par la surdité du pouvoir peut atteindre ses limites à tout moment".

"Cela ressemble à un jeu tactique", a estimé le directeur de l'Institut des stratégies internationales de Kiev, Vadim Karasev, estimant que chacune des parties en conflit tentait de se placer au mieux, à l'issue de deux mois de confrontation et à la veille de négociations cruciales mardi.

Celles-ci auront lieu à Kiev, où le pouvoir, sous la pression de la rue, a consenti à une session extraordinaire du Parlement ukrainien consacrée à la crise, mais aussi à Bruxelles, où a lieu le même jour un sommet tendu entre les deux arbitres extérieurs, la Russie et l'Union européenne.

L'Union européenne, furieuse d'avoir vu -- ce qui a été à l'origine de la contestation -- le pouvoir ukrainien renoncer au dernier moment à un accord d'association en préparation depuis des années, a accusé la Russie d'avoir fait pression sur l'ex-république soviétique pour la contraindre à un virage à 180 degrés, moyennant une ligne de crédit de 15 milliards de dollars et la baisse des prix du gaz.

Les responsables européens ont multiplié les voyages à Kiev et les déclarations, d'abord exprimant un soutien assez explicite à l'opposition, puis appelant avec de plus en plus d'insistance au dialogue alors que Kiev devenait le théâtre de scènes de guérilla urbaine qui ont fait au moins trois morts.

Le programme d'un sommet Russie-UE prévu de longue date à Bruxelles a été réduit au minimum en raison de cette crise, et devrait être dominé, mardi, par la question ukrainienne.

La Russie, de son côté, a dénoncé à plusieurs reprises le soutien européen à l'opposition, qualifié d'"indécent" par le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, mais le président Vladimir Poutine ne s'est guère exprimé ces dernières semaines.

"La Russie semble n'avoir pas de stratégie à long terme concernant l'Ukraine", estimait lundi le commentateur Gueorgui Bovt, sur le site russe Gazeta.ru.

Moscou pourrait "consentir à des pourparlers avec l'UE sur le sort de l'Ukraine si certains à Bruxelles n'étaient pas si désireux de +faire la grimace à Poutine+, et si le Kremlin souffrait moins de paranoïa anti-occidentale", a ajouté l'analyste.

Pour cet expert cependant, la Russie est gênée dans son approche de la crise ukrainienne, dans laquelle elle pourrait théoriquement intervenir comme garant d'un compromis, par sa proximité et sa crainte de connaître elle-même de tels événements.

"On observe du Kremlin les événements en Ukraine comme quelque chose d'un peu russe", estime Gueorgui Bovt.

os-gmo-lpt/gg

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